« Je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le
feu, afin que tu deviennes riche, et des vĂŞtements blancs, afin
que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre
pour oindre tes yeux, afin que tu voies» (Apocalypse 3/18).
L’exhortation à «acheter» est parfois mal comprise parce que
l’Écriture met nettement l’accent sur LA GRATUITE DE LA FAVEUR DE DIEU. Les
hommes sont «
gratuitement justifiés par sa grâce» (Romains 3/23 et 24), le Salut est gratuit (Rom.
5/15 et 16) parce que « le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ
notre Seigneur» (Romains 6/23).
Comment concilier la parfaite orthodoxie de la «sola gratia[1]»
avec le conseil qui est adressé à l’église de Laodicée, «d’acheter» de l’or
purifié, un vêtement blanc, et un collyre ? Pourquoi «acheter» ce qui nous
manque alors que l’épître aux Philippiens nous encourage simplement à le
demander à Dieu ? «Ne vous inquiétez de rien; mais en toute chose faites connaître
vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de
grâces» (4/6).
Tout simplement parce que l’exhortation adressée à l’église de
Laodicée NE CONCERNE PAS LE SALUT ni la faveur de Dieu — qui nous est acquise
en tant que rachetés et justifiés par Christ — mais ses effets dans notre vie :
la sanctification avec son fruit, dont dépend notre révélation de Christ
: «Recherchez
… la sanctification, sans laquelle personne ne verra le Seigneur» (Hébreux 12/14). En effet, les
éléments cités (or pur, vêtement blancs et collyre) sont des acquisitions
issues d’une confiance absolue en Christ et dans sa Parole, qui entraîne notre
obéissance vivante[2].
Et l’obéissance (l’abandon de notre souveraineté pour celle d’un Autre, Christ)
a un prix que Dieu reconnaît ici. L’obéissance ne mène pas toujours à la
confiance, mais la confiance mène toujours à l’obéissance.
Ce n’est pas un petit détail de noter que le conseil ne porte
pas simplement sur le fait d’acheter de l’or, mais surtout d’acheter de
l’or purifié, encore plus coûteux que le «simple» or. La tentation
de s’arrêter à une adhésion limitée, superficielle à la vérité, peut atteindre
tout un chacun : « Tu crois
qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi, et ils
tremblent. Mais veux-tu savoir, Ă´ homme vain, que la foi sans les oeuvres est
morte (inutile) ? » (Jacques 2/19, voir aussi la parabole du
semeur, Matthieu 13).
Il est tout à fait possible de se contenter d’un or qui n’a pas
été passé par le feu de l’épreuve de vérité personnelle — celle où la vérité cesse d’être un
concept pour devenir une réalité, notre réalité.
Laodicée est prête à porter tous les fruits qu’on veut bien,
mais en demeurant en-deçà d’une certaine limite : elle s’arrête donc en chemin,
un état à mi-température qui lui convient, qu’elle estime suffisant. Elle est
en Christ, ce qui n’est déjà pas si mal. Elle est toute prête à lutter pour
sauvegarder ses valeurs, à développer son espace d’influence, à multiplier les
églises, à organiser une meilleure visibilité de sa notoriété, mais son
christianisme ne va pas jusqu’au don de soi-même[3].
Elle veut bien vivre pour des idées, mais elle n’est pas prête à mourir pour
des idées. Elle se laisse donc entraîner loin des enseignements — et des
expériences — radicales : la séparation des ténèbres d’avec
la lumière, de la vérité d’avec le mensonge, de la chair et de l’Esprit. Elle
est abusée par des artifices religieux qui l’amènent dans des considérations
spirituelles erronées : «tu crois que tu es riche … mais tu ne sais pas
que tu es pauvre, aveugle, misérable et nue».
C’est pourquoi la voix de l’Esprit exhorte ce christianisme Ă
ACHETER. Parce qu’une foi qui ne coûte rien (à celui qui la professe) n’a
aucune valeur spirituelle. Et cet appel ne nous renvoie pas simplement au
message de la Croix, à une nouvelle méditation sur la Croix, mais à une expérimentation personnelle de la croix, de notre croix. Jésus a porté la sienne, il ne
portera pas la nĂ´tre.
Cette nécessité spirituelle d’entrer dans un chemin coûteux, qui
va générer une marche au cours de laquelle nous pouvons réaliser la perte de
certaines choses (mais gagner Christ[4]),
se trouve en filigrane de l’ensemble des enseignements néo-testamentaires. Nous
en avons une illustration en écoutant les messages que Jésus délivre à ses
auditoires : aux foules qui viennent à lui pour être secourus, bénis, guéris,
délivrés, il ne demande rien. Stricement rien. Il donne gratuitement, et il
prend même soin de laisser cette recommandation aux apôtres : « Guérissez les malades, ressuscitez les
morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement,
donnez gratuitement» (Matthieu 10/8). MAIS A CEUX QUI
VEULENT LE SUIVRE ET DEVENIR DES DISCIPLES, IL DEMANDE TOUT : « Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne
renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple» (Luc
14/33) et « Alors JĂ©sus dit Ă
ses disciples: si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il Me suive» (Matthieu 16/24).
C’est cela, le feu qui purifie l’or. Jésus est dans la flamme et
c’est en entrant dans cette flamme que le disciple deviendra comme son maître[5].
Non plus en adhérant de l’extérieur à une philosophie ou une spiritualité
supérieure, mais en devenant ce disciple accompli.
Pour devenir chrétien, il n’y a rien de plus simple : les bras
de Jésus sont grands ouverts. Mais pour demeurer chrétien, pour devenir un fils
ou une fille de Dieu accompli, il n’y a rien de plus difficile. Cela ne se
résume pas seulement à un problème de Bien ou de Mal, de péché ou de
justice, mais de SAVOIR JUSQU’OU IRA NOTRE CONFIANCE EN LUI ET DANS
CE QU’IL DIT. Sa vision est-elle vraiment juste ? Sa Parole est-elle vraiment
vraie ? Peut-on vivre de cette manière-là ? N’est-ce pas un manque de réalisme
? Ne doit-on pas adapter le message à l’époque et à la culture ? Dieu peut-il
vraiment avoir de telles exigences de séparation du Mal ?
C’est donc finalement à SA vision que se confronte NOTRE propre
estimation des choses, et c’est notre souverainetĂ©, notre propre capacitĂ© Ă
décider de notre destin, qui est mise en balance avec la Sienne. Jusqu’à ce que
nous entrions en conformité avec Sa volonté, au point de pouvoir dire : «ce
n’est plus moi qui vis … mais c’est Christ qui vit en moi»[6] .
«L’or
éprouvé par le feu»,
c’est une foi en Dieu qui a démontré sa véracité, qui a fait ses preuves,
c’est-à -dire une vie qui suit le Seigneur et qui a dépassé le stade théorique[7].
La foi, c’est SUIVRE. C’est ce que disait Jésus : « Vous êtes mes
amis, si
vous faites tout
ce que moi je vous commande» (Jean 15/14).
Lorsque nos enfants sont pleins d’illusions sur la vie, ils ont
besoin de se confronter à sa réalité : c’est alors que leur conception passe au feu de l’épreuve, et ce qu’il en reste, c’est la vérité. Pour le chrétien, c’est la même
chose. Une foi qui ne suit pas est une foi immobile, stérile. Mieux vaut un
chrétien à la théologie pauvre, mais qui est en mouvement, qu’un chrétien qui
sait tout sur tout, et qui pontifie depuis sa chaise. L’élève devient un
disciple en devenant un maître en pratique[8]. C’est ici le chemin : MARCHEZ-Y. La
sanctification ne doit pas être regardée comme un but, mais comme un moyen de
parvenir au but.
Être comme Jésus, c’est
marcher comme JĂ©sus. Car le but de
l’Esprit est de nous amener à marcher comme Jésus Lui-Même a marché[9] : «
Celui qui dit qu’il demeure en lui, doit aussi marcher comme il a marché
lui-même» (1 Jean 2/6).
« Que celui qui est injuste soit encore injuste,
que celui qui est souillé se souille encore;
et que le juste pratique encore la justice,
et que celui qui est saint se sanctifie encore»
(Apocalypse 22/11).
Jérôme Prekel®www.lesarment.com
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[1] Sola gratia est
une expression latine signifiant « par la grâce seule ». Dans le
protestantisme, le principe de la sola gratia fait partie des cinq sola : sola
scriptura (par l’Écriture seule), sola fide (par la foi seule), sola gratia
(par la grâce seule), solus Christus (seul le Christ) et soli Deo gloria (À
Dieu seul la gloire).
[2] Jacques
1/22 : «
Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas à l’écouter, en vous
trompant vous-mêmes par de faux raisonnements», Luc 6/46 : «Pourquoi
m’appelez-vous Seigneur, Seigneur! et ne faites-vous pas ce que je dis?», Luc 8/21 : « Mais il
répondit: Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu,
et qui la mettent en pratique».
[3] Romains
12/1 : «
Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps
comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un
culte raisonnable. …», Romains
6/13 : «Ne
livrez pas vos membres au péché, comme des instruments d’iniquité; mais
donnez-vous vous-mĂŞmes Ă Dieu, comme Ă©tant vivants de morts que vous Ă©tiez, et
offrez à Dieu vos membres, comme des instruments de justice».
[4] Philippiens
3/8 à 11 : «
Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l’excellence de la
connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, pour lequel j’ai renoncé à tout, et
je les regarde comme de la boue, afin de gagner Christ, et d’être trouvé en
lui, non avec ma justice, celle qui vient de la loi, mais avec celle qui
s’obtient par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi, Afin
de connaître Christ, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses
souffrances, en devenant conforme Ă lui dans sa mort, pour parvenir, si je
puis, à la résurrection d’entre les morts».
[5] Luc 6/40 : « Le
disciple n’est pas au-dessus de son maître, mais tout homme accompli sera comme
son maître».
[6] Galates
2/20 : «J’ai
été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ
qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils
de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi.»
[7] du
grec θεωρός, theoros (« spectateur »)
[8] HĂ©breux
5/12 : «Vous,
en effet, qui depuis longtemps devriez être des maîtres, vous avez encore
besoin qu’on vous enseigne les premiers rudiments des oracles de Dieu, vous en
êtes venus à avoir besoin de lait et non d’une nourriture solide».
[9] 1 Pierre
2/21 :
«Et c’est à cela que vous avez été appelés, parce que Christ aussi a souffert
pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces», 1 Jean
4/17 : «Tel
il est, tels nous sommes aussi dans ce monde».