Par Gaston Racine
Les hommes aujourd’hui sont dans
l’attente. Nous n’essayerons pas d’analyser longuement cette attente, car, si
universelle qu’elle soit, elle varie à l’infini de son objet. Les uns pensent
que nous allons inévitablement au-devant d’une nouvelle guerre plus effroyable
que les précédentes (l’auteur écrit ce livre en 1958). D’autres, si toutefois
ce terrible cataclysme n’était pas déclenché prochainement, prévoient de
nouvelles révolutions, de nouveaux troubles intérieurs parmi les nations.
D’autres encore, optimistes ceux-là , attendent fermement la paix, cette paix
durable qui doit donner au monde une ère de prospérité, grâce à la mise en
commun de toutes les ressources des peuples, et à l’utilisation des dernières
inventions Ă des fins pacifiques.
Dans la chrétienté, un nombre toujours
croissant d’âmes vivent dans l’attente d’un grand réveil religieux. Pour y
tendre, et le voir éclater, on organise de plus en plus l’œuvre de Dieu. Des
méthodes nouvelles et hardies, des moyens financiers importants sont employés
pour faire connaître et triompher l’Évangile.
Pour les uns, le réveil sera avant
tout la réalisation de la grande espérance œcuménique, l’unité des églises. Pour les autres,
une extraordinaire moisson d’âmes, des conversions en masse, sans précédent
dans les annales du monde. N’entendons-nous pas dire que “nous vivons l’heure
la plus passionnante de l’histoire de l’Église, l’âge d’or de l’Évangélisation”
?
Ainsi se multiplient les rencontres
religieuses qui devraient donner au réveil l’occasion de se manifester — soit
par l’unité tant souhaitée des chrétiens entre eux, soit par la conversion de
nombreuses âmes perdues.
N’est-ce pas au cours de telles
manifestations, ou comme résultat d’efforts sincères, que l’esprit de Dieu
soufflera soudain avec puissance ? Pourtant, partout, après ces grandes heures
d’émotions religieuses, après l’euphorie ou la tension spirituelle du moment,
les hommes, à l’exception d’un très petit nombre, restent étrangement les mêmes
et la Croix dans la vie est plus prêchée que réalisée.
D’autre part, à moins de vivre dans
l’illusion et de rester à la surface des choses, nous devons constater que nous
atteignons peu le peuple indifférent de nos villes et de nos campagnes, et que,
malgré notre propagande et nos moyens publicitaires, nous ne jouissons pas —
comme l’Église primitive — de “la faveur de tout le
peuple” (Actes 2/47).
Celui-ci est, en réalité, beaucoup plus attiré par les doctrines matérialistes
que par nos prédications — qu’elles tombent des lèvres d’orateurs libéraux ou
fondamentalistes.
Si nous voulons courir, il faut
connaître le but; si nous voulons combattre non “comme battant l’air” (1 Cor. 9/24), il est temps de nous
arrêter quelques instants pour écouter l’exhortation divine : “Considérez bien vos voies !” (Aggée 1/5).
Pour beaucoup, le réveil est devenu
quelque chose d’assez spectaculaire qu’on attend pour aujourd’hui ou demain,
oubliant trop, hélas, que le réveil envisagé sous ou l’autre de ses aspects :
Sanctification, unité des croyants, ou conversion des pécheurs, n’est pas
quelque chose, mais quelqu'un,
le Christ qui est venu, qui est en nous, qui est là tout près, mais que nous ne
saisissons pas, ou que nous ne voulons pas connaître comme Il est.
Le réveil, c’est Jésus pris au sérieux,
c’est Jésus cru et obéi à la lettre, parce qu’aimé d’un grand amour. Ce n’est
pas : “Qui nous le fera venir d’Amérique ou
d’Afrique, de l’Inde ou du Tibet”. Ni même “Qui nous le fera descendre des cieux ?” car Il est descendu.
Il n’est pas à des hauteurs
inaccessibles. Il est plus bas que nous, et si nous ne le voyons plus, c’est
que nous sommes montés trop haut.
C’est avec les petits, les humbles,
les pauvres, les affamés, les sans-logis, les malades, les prisonniers que
Jésus est encore. Nous ne sommes plus au temps où Job pouvait s’écrier : “Oh! Si je savais le trouver et parvenir à où Il
est assis !” (Job
23/3). Ni aux jours d’Esaïe qui disait :“Oh! Si tu fendais les cieux ! Si tu voulais
descendre !” (Esaïe
64/1). Il
est venu ! Emmanuel est descendu !
Depuis si longtemps Dieu est avec
nous, mais, comme Philippe, nous en L’avons pas connu ! (Jean 14/9). Par les
Saintes Écritures, nous entendons ses paroles, nous conservons sa doctrine,
mais sa personne … nous avons appris davantage à la contempler dans la gloire
par la foi, qu’à la voir vivre au milieu des hommes de notre siècle.
Nous employons la foi pour nous ouvrir
une fenêtre au ciel, pour nous créer une vision imaginaire de notre Dieu, pour
nous évader à certaines heures de la terre, et nous croire déjà dans la gloire.
Mais, toute contemplation, toute
extase qui n’est pas suivie d’une action parmi les hommes, est une séduction. Les heures passées sur les sommets
nous sont données pour mieux travailler dans les vallées. La foi qui nous a
sauvés, en nous amenant à accepter la grâce de Dieu, devrait aujourd’hui nous
servir davantage à découvrir le vrai visage du Christ, tel qu’Il se manifeste
encore sur la terre — ce Christ inconnu de la grande majorité des hommes qui se
réclamment pourtant de son Nom.
Chaque jour qui passe nous rapproche
de l’heure suprême où cessera pour nous la marche par la foi, et où, enfin, nos
yeux verront JÉSUS, non le Jésus auréolé et bénisseur dont la tradition a gravé
les traits dans la mémoire des hommes, mais le Fils de l’homme que Dieu a
Ă©tabli Juge des vivants et des morts, et dont la Bible seule nous donne le
portrait véritable.
La pensée de notre prochaine entrée
dans la maison du Père devrait transporter nos cœurs d’allégresse, mais nous
rappeler aussi combien le Seigneur doit être craint, car, nous dit l’apôtre : “il faut que nous soyons tous manifestés devant le
tribunal de Christ, afin que CHACUN reçoive les choses accomplies dans le
corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal” (2 Cor. 5/10).
Â
La misère du tĂ©moignage chrĂ©tien, Ă
l’heure actuelle, réside essentiellement dans le fait que beaucoup de croyants,
qui ont conservé la connaissance des vérités chrétiennes, ont perdu de vue le
pur exemple du Christ en qui la vérité ne fut jamais une théorie, mais trouva
toujours son expression dans des actes envers des hommes. Il est Ă craindre
qu’aujourd’hui le christianisme soit devenu pour plusieurs une denrée bon
marché : on peut facilement se dire croyant sans être, pour autant, plus avancé
que le diable, le père du mensonge et de tous les menteurs. De même, on peut se
glorifier aisément de garder les principes scripturaires, et être, pourtant,
loin de la vérité. Ainsi, il n’est pas
rare de trouver, mĂŞme dans les milieux dits fondamentalistes, un baptĂŞme sans
repentance, une communion sans discipline, une marche sans séparation, une
doctrine sans amour et une foi sans Ĺ“uvres.
Nous ne répéterons jamais assez que si
les œuvres ne nous sauvent pas, une adhésion intellectuelle à une formule
biblique ne nous assure pas davantage le salut (Jacques
2/14-26).
La foi vivante en la personne et
l’œuvre de Jésus-Christ ne peut pas ne pas produire des œuvres; œuvres qui se
manifestent avant tout par une soumission entière à Sa volonté, par le fruit de
l’Esprit dans le caractère, et par une obéissance à la Parole de Dieu dans les
actes de la vie (Ephésiens
2/8, HĂ©breux 13/20, Galates 5/22, 1 Pierre 2/12).
Le propre de la foi qui sauve est de
nous amener Ă renoncer Ă nous-mĂŞmes, et de nous unir intimement au Christ, nous
faisant trouver dans sa mort, notre mort au péché, à la loi et au monde; dans
sa résurrection, notre nouvelle naissance; dans son ascension, notre
introduction dans les lieux célestes pour vivre d’une vie céleste (Romains 6/6,
Colossiens 2/12, Ephésiens 2/6).
Réconcilés avec Dieu, adoptés par le
Père, membres du Corps de Christ par le baptême du Saint-Esprit (1 Corinthiens
12/13), nous sommes alors donnés par Jésus à la terre, comme des hommes du ciel
en mission ici-bas — équipés des dons surnaturels de l’Esprit, en vue du
perfectionnement des saints, pour travailler au service de l’édification du
Corps de Christ (Ephésiens 4/7) — étant dans le monde sans être du monde, ne
vivant plus pour nous-mĂŞmes, mais pour Celui qui, pour nous, est mort et
ressuscité.
Source :www.lesarment.comÂ