« Je
n'avais rien vu d'aussi merveilleux…Sur l'échographie, la forme de son corps,
de sa tête, ses petits mains serrées comme des poings fermés, et les battements
de son cœur que j'entendais aussi nettement que s'il avait été tout contre moi,
me faisaient monter les larmes aux yeux. J'Ă©tais enceinte de quatre mois,
enceinte pour la première fois et, en découvrant mon fils sur l'écran de
contrôle- nous avons appris ce jour-là que c'était un garçon-, je me suis
sentie submergée par une immense vague d'amour. Près de moi, Olivier, mon mari,
ne disait rien. Il fixait l'écran, bouche bée. J'ai cherché son regard, il m'a
pris la main et nous nous sommes souris. Nous n'avions jamais été aussi heureux.
Les
jours suivants, j'Ă©tais sur un nuage. A la maison, Ă la parfumerie oĂą je
travaillais comme vendeuse ou chez mes parents, tout me semblait un rĂŞve, tout
me paraissait beau. Jusqu'Ă ce que la semaine suivante, je sente une petite
boule au niveau du sein droit.
Par
acquis de conscience, je suis allée voir mon médecin. Il m'a auscultée, palpée,
questionnée. " C'est sans doute un kyste, a-t-il diagnostiqué, rien de
très grave. Vous devrez subir une petite opération ".
Tout
de suite, j'ai pensé à mon enfant. J'étais inquiète pour lui, à cause de
l'anesthésie : " Ne vous faites pas de soucis, m'a-t-il rassuré. Il
s'endormira et se réveillera avec vous… ". Cependant, pour plus de
précautions, il a tenu à ce que l'on me fasse une ponction pour analyses complémentaires.
Puis, nous avons fixé ensemble la date de l'opération, au début du mois
suivant.
Mais,
entre-temps, il m'a téléphoné. Il voulait nous voir au plus vite, mon mari et
moi. Il nous a reçus avec un air embarrassé et j'ai eu un mauvais pressentiment.
Assis derrière son bureau, il n'y est pas allé par quatre chemins : l'analyse
avait révélé la présence de cellules " malignes". En d'autres termes,
je ne souffrais pas d'un kyste comme il l'avait tout d'abord pensé. Non,
c'était beaucoup plus grave : j'avais un cancer, un cancer du sein droit…
Bizarrement, à l'instant même où il nous a annoncé cette nouvelle, j'ai senti
mon enfant bouger dans mon ventre… " Vous êtes enceinte de combien de mois
? " m'a demandé le médecin. " Bientôt cinq ", ai-je répondu en
posant ma main sur mon ventre. Le regard du médecin s'est assombri : "
Pour vous soigner, il va falloir songer Ă une interruption de grossesse, c'est
indispensable… ".
Chaque
fois qu'il bougeait, je me sentais plus forte.
J'ai
mis un temps pour comprendre. Puis, je me suis entendue répondre, presque
machinalement : " Non, je refuse. Je veux garder mon enfant… ". Et sa
voix, de nouveau, a retenti : " Comprenez…vous allez subir un traitement
éprouvant. Une chimiothérapie. Des rayons. Tout ça provoque des dérèglements
hormonaux, des risques de malformation pour votre bébé. Je vous assure, le
mieux, pour vous, c'est l'interruption de grossesse… ".
Ce
soir-là , à la maison, Olivier a fait tout ce qu'il pouvait pour me réconforter.
Lui, tout ce qu'il voyait, c'Ă©tait qu'il ne voulait pas me perdre, qu'entre moi
et l'enfant, il n'hésiterait pas une seconde. Moi, je ne savais pas quoi lui
répondre. J'ai revu l'image de mon fils sur l'échographie, cette silhouette
toute frĂ©missante qui ne demandait qu'Ă voir le jour, et je me suis mise Ă
pleurer. " Tu sais, nous pourrons toujours avoir d'autres enfants… "
m'a-t-il murmuré en me serrant fort dans ses bras. Moi, même si je le
comprenais, je n'ai pas pu m'empĂŞcher de sangloter : " J'en veux pas
d'autres, moi, c'est lui que je veux ! ".
Le
lendemain , Olivier m'a appelée de son bureau. Un de ses amis lui avait parlé
d'un cancĂ©rologue rĂ©putĂ©. Pourquoi ne pas aller le voir ? Nous n'avions rien Ă
perdre ! J'avais le ventre noué quand je me suis installée avec Olivier dans
son bureau, mais, tout de suite, son sourire, la douceur de sa voix m'ont
rassurée. Il était spécialiste du cancer du sein. Mon dossier médical lui avait
été transmis. " Il va falloir commencer votre traitement au plus vite.
"Ma question a fusé : " Et mon bébé ? " Il m'a adressé un
sourire. " Rien n'interdit que vous le gardiez pour l'instant… " Je
lui ai répété ce que m'avait dit mon médecin. " Nous pourrons nous
contenter pour l'instant de la chimiothérapie, a-t-il expliqué, pendant encore
un mois et demi… Le temps que votre enfant se développe suffisamment et soit
viable. C'est à ce moment-là que nous commencerons le traitement aux rayons…
"
Je
n'en croyais pas mes oreilles ! Ainsi, il y avait une chance… Je lui aurais
sautĂ© au cou pour l'embrasser ! Et je n'ai presque plus accordĂ© d'importance Ă
ce qu'il a ajouté : que je devrais peut-être subir une ablation du sein droit…
La
semaine suivante, j'ai commencé la chimio. Les séances étaient longues,
Ă©prouvantes. Mais Olivier m'accompagnait le plus souvent. Et puis, il y avait
mon fils. A chaque fois que je le sentais bouger dans mon ventre, je me sentais
un peu plus forte. Quelques temps après la deuxième sĂ©ance, j'ai commencĂ© Ă
perdre mes cheveux. Bien sûr, ça a été un choc, mais je supportais le traitement
assez bien. La tumeur se réduisait peu à peu et mon médecin avait beaucoup
d'espoir.
Seulement,
au bout d'un mois, il m'a annoncée que la chimio ne faisait plus d'effet sur
moi. Il fallait passer à l'étape suivante… J'en étais à sept mois de grossesse.
L'accouchement devenait inévitable, et le médecin m'a informé que, hélas,
j'allais devoir subir ensuite une ablation du sein droit. J'ai accouché par
césarienne, avec anesthésie totale : la naissance de mon enfant, je n'ai pas pu
la vivre. Mais Adrien est né…
Ma
première question a été pour la sage-femme : " Il va comment ? (…) "
Elle m'a souri : " Il se porte le mieux du monde ! " C'Ă©tait tout ce
que je voulais entendre. Maintenant, je pouvais subir cette mammectomie le cœur
tranquille…
VoilĂ
un an qu'Adrien est né, et c'est le plus beau des bébés…Je suis actuellement en
rémission et j'ai confiance, même si une rechute est toujours possible. Le
soir, quand je prends Adrien dans mes bras, je lui parle : " Tu ne peux
pas savoir comme je suis heureuse que tu sois là , bien portant… Comme tu me
donnes du courage et l'envie de me battre ! " Et il suffit que je le
regarde, que je le sente tout contre moi, pour avoir la certitude absolue que
rien ne pourra m'arriver. Non, aucune maladie ne sera jamais plus forte que mon
amour pour lui…»
http://www.sosbebe.org/