« Si la Syrie s’effondre, cela mettrait en danger tous les
chrétiens du Moyen-Orient ! » Pour Yonadam Kanna, député en Irak et secrétaire
général du Mouvement démocrate assyrien, une main mise des djihadistes sur le
conflit plongerait le Moyen-Orient dans le chaos. Interview :
Comment voyez-vous l’avenir pour les chrétiens du Moyen-Orient ?
Tout dépend des systèmes politiques et des régimes politiques de
la région. Si les pays sont aux mains d’islamistes fanatiques, d’extrémistes ou
de racistes alors cela aura des conséquences désastreuses pour nous. Si les
régimes sont plutôt libéraux, s’ils garantissent à chacun ses droits civiques
et respecte les Droits de l’homme et s’ils considèrent l’identité d’une
population et non sa religion, alors tout se passera bien pour nous.
Il s’agit de la terre de nos grands-parents, une terre que nous
aimons et oĂą nous voulons continuer de vivre. Nous voulons vivre en paix avec
nos partenaires et voisins, sur un pied d’égalité.
Mais si le pays est dirigé par des extrémistes ou des fanatiques,
qui gouvernent en se basant uniquement sur la religion, la situation des
chrétiens sera très difficile. C’est ce qui risque d’arriver en Syrie. Si cela
arrive, nous devons nous attendre à un exode en masse des chrétiens du pays.
C’est déjà ce qui est en train de se passer avec les coptes en Egypte, c’est
également ce que nous avons vécu, nous en Irak, après la chute de Saddam
Hussein.
La politique qui se met en place en Syrie, sous prétexte de se
débarrasser du pouvoir en place, est très dangereuse. Si le régime s’effondre,
les djihadistes prendront le pouvoir. Si les djihadistes prennent le pouvoir,
ils représentent une menace, non seulement pour les chrétiens de la région mais
Ă©galement pour les musulmans, et je ne parle pas seulement de la Syrie mais du
reste du Moyen-Orient et même de l’Europe. Ils font tout pour que le chaos
s’installe, d’abord en Syrie, puis dans toute la région. Après la Syrie viendra
le tour du Liban, puis de l’Irak et ainsi de suite.
Tout dépend donc du régime qui se mettra en place en Syrie, soit
un régime démocratique, soit une autre forme de régime.
Quel conseil
donneriez-vous à Georges Sabra (un chrétien président du Conseil National
Syrien, le principal groupe d’opposition en Syrie) ou à tout autre leader
chrétien en Syrie?
Nous respectons la volonté du peuple syrien. C’est à eux de voir
et de décider ce qu’il convient de faire. Mais je suis surpris de voir que ce
ne sont pas eux qui prennent les décisions, les décisions sont prises par
d’autres, de l’autre côté de la frontière. Ceux qui tentent de renverser le pouvoir
ne sont pas des Syriens. Je dirais qu’il y a plus de 29 groupes de djihadistes
qui se battent en Syrie. Je ne crois pas qu’ils écouteraient M. Sabra ou tout
autre leader qui voudrait faire la promotion de la démocratie et de la liberté.
Comment savez-vous
qu’il y a autant de combattants de différentes nationalités, de moudjahidin qui
se battent en Syrie?
Ce sont des informations rendues publiques. Ces chiffres ne sont
plus un secret aujourd’hui. C’est peut-être dû à la présence de l’ONU et des
agences de presse dans le pays. C’est ainsi que nous savons qu’il y a des
combattants venus du Danemark, du Canada, de Tchétchénie, du Yémen, de partout.
Il y a 57 pays musulmans dans le monde mais ces combattants ne viennent pas
seulement des pays musulmans. Ils viennent aussi du Canada, de l’Europe et de
l’Amérique. Parmi ceux qui ont été arrêtés en Syrie, il y en a qui avaient des
passeports belges, il y a donc aussi des Européens.
Que voulez-vous dire
à la communauté internationale, aux Nations Unies?
Je les appelle Ă ĂŞtre plus justes dans leur politique envers notre
région, je leur demande de ne pas faire de nous les victimes de leurs
politiques et de leurs intérêts. Je comprends les besoin de l’Europe en
énergie, leurs considérations de marchés etc. mais aujourd’hui, en Syrie plus
de 90 000 personnes sont mortes Ă cause de ces politiques, de mauvaises
politiques.
La libre volonté des peuples doit être respectée. S’ingérer de
cette manière, d’une manière qui n’est pas la bonne, c’est dangereux.
Tout ce qui se passe de négatif ici, aura une répercussion
négative en Europe. Ils doivent faire attention et ne pas permettre que les
minorités, particulièrement les minorités religieuses, soient victimes de leurs
politiques.
Propos recueillis par Nuri Kino, un journaliste indépendant basé
en Suède
Source : www.portesouvertes.fr