Mme Ishag a refusĂ© de se convertir Ă
l’islam, religion de son père absent, mais pas de sa mère.
"Nous
vous avions donné trois jours pour abjurer votre foi, mais vous avez insisté
pour ne pas revenir à l’islam. Je vous condamne à la peine de mort par
pendaison."
C’est
la sentence prononcée jeudi matin par Abbas Mohammed Al-Khalifa, juge au
tribunal de Khartoum, contre une jeune mère de 27 ans, Meriam Yahia Ibrahim
Ishag, enceinte de huit mois.
"Apostasie" et
"adultère"
En
réalité, Meriam ne pouvait "revenir" à l’islam : elle a été élevée
dans la foi copte (chrétiens orthodoxes), celle de sa mère, alors que son père,
musulman, était absent durant son enfance. L’ "apostasie" (le fait de
changer de religion) dont elle est accusée - et que la charia punit de mort -
repose donc uniquement sur le dogme que la fille d’un musulman est musulmane.
"Je suis chrétienne et je n’ai jamais fait acte d’apostasie" , a
déclaré calmement l’accusée lors de son procès.
La
jeune femme a aussi été condamnée à cent coups de fouet pour "adultère
". Le mot désigne, en l’occurrence, son mariage avec un Sud-Soudanais,
chrétien. Le juge considère qu’étant fille d’un musulman, Meriam est forcément
musulmane. Et, selon la charia, une musulmane ne peut épouser un homme d’une
autre religion, sous peine de voir son mariage considéré comme nul et non
avenu, explique Al-Jazeera.
Le
Soudan applique la charia depuis septembre 1983, sous le gouvernement du
président Gaafar Nimeiry. Et la religion chrétienne est depuis longtemps dans
le collimateur des autorités islamistes de Khartoum.
Un harcèlement constant
Au
cours des années, l’arsenal juridique à l’encontre des Eglises s’est durci; aux
renvois de missionnaires et à l’interdiction d’évangéliser se sont ainsi
ajoutées les interdictions de bâtir une église et les saisies et destructions
de propriétés appartenant aux Eglises. A l’islamisation forcée (distribution de
nourriture, lors de famines, seulement aux musulmans, mĂŞme quand les dons
provenaient d’ONG chrétiennes étrangères) s’est additionné le crime
(déportation dans le désert, sans eau, des populations expulsées de quartiers
chrétiens de Khartoum lors d’opérations "d’assainissement urbain" ).
Le tout dans une atmosphère de répression quotidienne : flagellation des
chrétiennes brassant de la bière artisanale; accès à l’université seulement
pour les filles portant le voile gris ou noir des islamistes; arrestation de
prêtres et harcèlement par la Sûreté…
Certaines
ONG de défense de la liberté religieuse notent cependant un durcissement depuis
la sécession, en juillet 2011, du Sud-Soudan, chrétien et animiste, après une
longue et meurtrière guerre civile due au rejet, par le Sud, de l’imposition de
l’islam par Khartoum. Le président Béchir avait juré, peu avant, de renforcer
la loi islamique en cas de victoire du "oui" au référendum sur
l’indépendance du Sud; il recueillit 98 % des voix… Nombre de chrétiens,
d’origine sud-soudanaise, avaient alors quitté le Soudan, laissant bien seuls
les chrétiens locaux (2 % de la population) - coptes de Khartoum et autres
chrétiens des Monts Nouba et du Nil bleu.
Source :
www.lalibre.be