Apocalypse 2/18-23
« Et à l’ange de
l’assemblée qui est à Thyatire, écris : Voici ce que dit le Fils de Dieu, qui a
ses yeux comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables Ă de
l’airain brillant :
19 Je connais tes
Ĺ“uvres, et ton amour, et ta foi, et ton service, et ta patience, et tes
dernières œuvres qui dépassent les premières. Mais j’ai contre toi, que
tu laisses faire la femme Jézabel qui se dit prophétesse; et elle enseigne
et égare mes esclaves en les entraînant à commettre la débauche et à manger des
choses sacrifiées aux idoles. 21 Et je lui ai donné du temps afin qu’elle se
repente ; et elle ne veut pas se repentir de son impudicité.22 Voici, je la
jette sur un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle, dans une grande
tribulation, à moins qu’ils ne se repentent de leurs œuvres ; 23 et je ferai
mourir de mort ses enfants ; et toutes les assemblées connaîtront que c’est moi
qui sonde les reins et les cœurs ; et je vous donnerai à chacun selon vos
œuvres».
Le cĹ“ur du message Ă
l’église de Thyatire est la dénonciation d’une doctrine propagée par «la femme
Jézabel qui se dit prophétesse». Qu’est-ce que « l’esprit de
Jézabel » ? On emploie parfois cette expression pour définir une
aversion ou une opposition à l’expression prophétique : ce qui se
dresserait contre l’onction prophétique et contre ceux qui exercent le
ministère prophĂ©tique proviendrait donc de cette origine, en rĂ©fĂ©rence Ă
l’opposition de la reine Jézabel au prophète Elie. Dans certains milieux, la
même expression peut faire référence à  une entité spirituelle
ténébreuse, un esprit impur (un démon), qu’on appelle « l’esprit
de Jézabel ». On s’exerce alors à discerner ses manifestations (en
fait : à détecter les personnes suspectes de l’incarner) et à le chasser[1].
Ce n’est pas la pensée
développée ici : on évoquera plutôt cette expression «esprit de Jézabel»
(qui ne se trouve textuellement pas dans la Bible) pour traduire une proximité
de pensée, de raisonnement, et de caractère avec le modèle référent
(Jézabel), c’est-à -dire dans le sens d’une mentalité. Le but de
cette réflexion étant de chercher un éclairage biblique pour comprendre la
situation décrite dans Apocalypse 2/20, au plan historique et au plan
prophétique.
Il est bien sûr exact
que la reine Jézabel a mené une guerre contre les prophètes de l’Eternel (et
donc contre la prophétie), mais on comprend à la lecture de son histoire (1
Rois 16 Ă 21, 2 Rois 9) que son dessein Ă©tait bien plus vaste que cela, et son
opposition plus profonde encore : elle a cherché à renverser un équilibre
spirituel ancien, à éradiquer la révélation de Dieu et elle s’est donc
dressée, armée d’un pouvoir politique, contre les droits auxquels
prétendait l’Eternel sur Son peuple, et contre le principe théocratique dont
les prophètes de l’Eternel étaient les représentants et les garants. C’est
pourquoi on pourrait employer également, en relation avec cette femme, l’expression d’esprit
antichrist[2].
1- Qui est la
Jézabel historique ?
C’est une princesse de
sang royal, fille du roi de Sidon[3],
qui épousera le sixième roi d’Israël, Achab, à peine un demi-siècle après le
règne de Salomon — dont la gloire (et la chute) sont encore dans tous les
souvenirs. Mais en peu d’années, le royaume du Nord (appelé aussi royaume
d’Israël, c’est-à -dire les 10 tribus retirées à Salomon et sur lesquelles règne
Achab) n’a cessé de s’éloigner de Dieu et de se compromettre dans les faux
cultes des nations voisines. Dans ce royaume d’Israël, dont la capitale est
Samarie, les rois se succèdent et se comportent spirituellement d’une manière
apostate[4].
Le roi Achab est un homme faible, au caractère inconstant. JĂ©zabel est quant Ă
elle ce qu’on appelle une femme ambitieuse et intrigante, au caractère fort.
Cette association sera la clé de la domination spirituelle qui va peser sur le
pays pendant plusieurs années.
Fervente adoratrice de
Melqart[5],
le Baal Tyrien, elle entraîne son mari dans ce culte païen. Ne supportant pas
d’autre religion que la sienne (elle représente un type de croyant qui impose
sa vision afin de devenir la mesure de toutes choses, mais elle peut
représenter aussi un gouvernement qui provoque un nouveau paradigme), elle
pousse Achab à construire un temple et un autel consacré à Baal (1 Rois 16/32),
ainsi qu’une statue représentant l’Astarté phénicienne, dont son père, Ethbaal
est grand prĂŞtre[6].
Son hérédité est chargée lourdement par les cultes idolâtres qui constitueront
toujours son vrai centre de gravité spirituel.
C’est pourquoi elle
n’aura de cesse de se dresser contre tout ce qui représentait le gouvernement
divin de l’Eternel, pour tenter d’y substituer ses propres règles et principes
religieux. Elle va établir ses propres prophètes, formés aux arts (et aux
techniques) de la prophĂ©tie paĂŻenne, et qui ont une vie religieuse consacrĂ©e Ă
Baal, le « Seigneur » des Cananéens et des Phéniciens (Baal signifie
«seigneur»). Des écoles prophétiques, dans lesquelles on forme ces hommes,
fleurissent logiquement dans le pays. Peut-être fait-on venir de l’étranger des
inspirés. Le chapitre 18 du livre des Rois nous apprend qu’à la cour du roi
Achab et de la reine Jézabel, 450 hommes prophétisaient au nom de Baal, et 400
autres au nom d’Astarté. Ces «inspirés», qui ont rang de dignitaires religieux,
ne sont pas apparus par génération spontanée, ils sont le fruit d’une stratégie
religieuse (un programme) que l’appareil politique a légitimé et amené à son
terme…
En peu de temps de
règne, Jezabel est parvenue à augmenter la corruption spirituelle d’Israël au
point que le peuple restera sans réaction lorsque se produira la phase de
persécution ouverte, c’est-à -dire que les prophètes de l’Eternel sont
emprisonnés et tués (1 Rois 19/14).
C’est l’ensemble du
royaume (composé des dix tribus qui furent données à Jéroboam) qui a « fléchi
le genou devant Baal », excepté sept mille fidèles qui vivaient leur foi
dans le secret (19/18) et qui semblent totalement absents de la scène publique.
Ils sont restés fidèles à l’Éternel, mais demeurent dans l’ombre.
Cette femme est donc
apparue dans un temps de déclin spirituel, dont elle va profiter, apportant une
sorte de coup de grâce au culte qui avait été confié aux sacrificateurs de
l’Éternel. Jézabel est un rouage essentiel d’apostasie généralisée, un temps où
ceux qui craignent l’Eternel doivent vivre cachés et où les décrets royaux sont
défavorables à ceux qui croient en la Parole de Dieu. Et c’est dans ce temps
obscur que l’Éternel va susciter un ministère de puissance, animé de Sa
jalousie et d’une grande intransigeance, qu’on qualifierait aujourd’hui sans
doute de fondamentaliste. Elie le prophète, seul,s’est levé pour affronter ce
mal, cet adversaire, et incarner la Parole du Dieu Vivant, en exposant sa vie.
Lorsque nous entendons
parler de l’esprit d’Élie, dans le Nouveau Testament, ou que nous sentons son
influence parcourir l’Église, nous devons nous souvenir de ce caractère sans
partage, absolutiste, fruit d’une consécration radicale, qui ne s’inscrit pas
seulement dans la contestation, mais qui ramène le cœur des enfants vers le Père.
2- Traits de caractère
de JĂ©zabel
Il est Ă©vident que les
caractéristiques principales de la mentalité de Jézabel sont en tout premier
lieu cette tension vers le pouvoir et la domination. Elle est animée par
la soif de diriger et de contrôler sans partage (c’est
le sens de son nom : Jezabel « sans cohabitation »), qui
va lui permettre d’accéder au plus haut niveau décisionnel, afin d’imprimer sa
vision et sa politique au plus grand nombre. Elle est une femme qui met en
œuvre ses ambitions, quel qu’en soit le prix. Parvenue à la tête du pays, elle
affichera ouvertement sa conception du gouvernement et de la direction :
les 850 prophètes « mangent à sa table » (18/19), ce qui signifie
qu’elle pourvoit à leur entretien, s’assure leur proximité et leur concours
afin que chacun en Israël comprenne bien, à l’intérieur comme à l’extérieur du
pays, que c’est Baal et Astarté qui sont les « conseillers divins »
de la reine (et du roi). C’est à ces deux sources, ces deux esprits (un dieu du
masculin et un dieu du féminin) qu’ils puisent leur inspiration, et dans leur
vision qu’ils tirent leur force. On imagine sans peine que c’est en réalité la
prophétie de Baal qui arbitre dans les grands choix politiques et stratégiques
du pays : Baal devient par ce moyen LE dieu d’Israël. Sur le plan
spirituel, nous pouvons dire que l’espace réservé à l’Éternel a quasiment
disparu et que l’idolâtrie occupe entièrement le terrain.
La stratégie
consistait justement à contrecarrer l’influence de l’Eternel, le rayonnement de
son culte, et de le réduire en établissant partout ses propres dieux — ce qui
est une manière de parler de valeurs nouvelles — et de la culture qui s’y
rattache. Les moyens qu’elle a employés et le chemin qu’elle a suivi sont bien
évidemment antichrist, c’est-à -dire qu’ils s’opposent contre toute
direction divine du Dieu d’Abraham, contre Sa Loi et toutes Ses prérogatives,
contre toute forme de cette théocratie-là . Cette manœuvre de remplacement et ce
caractère rappellent la description que fait l’apĂ´tre Paul Ă proposÂ
de « l’impie, de l’homme de péché, qui s’oppose et s’élève contre
tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération » (voir
note 2)…
Ă€ une Ă©poque oĂą le
statut de la femme ne lui permettait pas d’accéder à des responsabilités
gouvernementales (pour ce qui concerne le peuple d’Israël[7]),
ou de s’ingérer dans les affaires du pouvoir, elle surmontera tous les
obstacles et montrera une détermination hors du commun face à Elie[8] le
prophète, puis face à Jéhu[9],
qui deviendra plus tard le nouveau roi d’Israël par l’onction d’Elisée. Elle ne
craint pas de rencontrer ces hommes sur leur terrain, car elle méprise
l’autorité divine qu’ils incarnent. Son attitude face au masculin (son mari,
Elie et Jehu) pourrait laisser à penser que c’est l’Homme qu’elle méprise et
dont elle conteste ouvertement la domination naturelle provenant de la Parole
de Dieu.
On voit apparaître par
exemple dans l’épisode de l’assassinat de Naboth (1 Rois 21), que le caractère
de Jézabel est dominant, exerçant une influence froide et calculatrice :
un caractère donc qui prétend clairement aux prérogatives masculines de
l’époque et qui fait jeu égal avec lui (alors que le caractère d’Achab est
faible et dominé par les émotions).
La situation politico-religieuse
d’Israël de cette époque est par conséquent le résultat d’une rencontre entre
un roi faible, irrésolu et une femme au caractère dominateur, indépendante, ne
se contentant pas de revendiquer une place, mais s’en emparant pour s’imposer,
gouverner, diriger, dominer, et ce, à n’importe quel prix.
Jezabel ne correspond
pas à l’image féminine de son temps, elle n’est pas représentative de la
mentalité féminine de son époque : elle évolue dans un monde à part, dans
lequel il n’existe pas d’autorité au-dessus d’elle – ni Dieu ni maître – et
cela contribue à forger en elle ce caractère indépendant[10],
cet égo surdimensionné.
C’est l’ensemble de
ces choses qui constitue le portrait, « la mentalité de Jézabel ». Et
c’est de cette femme-lĂ , dotĂ©e de cette mentalitĂ©-lĂ , dont parle le Seigneur Ă
l’église de Thyatire, à cette différence près que cette femme, mise en lumière
dans le Nouveau Testament, se trouve là  convertie et exerçant
un ministère d’enseignement et de prophétie reconnu par le peuple.
suite de l’article Ă
venir : La Jezabel de Thyatire
Jerome
Prekel©www.lesarment.com/juin2013
Source : https://lesarment.com
NOTES
[1]Â Il
ne fait évidemment aucun doute que des puissances spirituelles de méchanceté
exercent leur influence nĂ©faste dans le monde en gĂ©nĂ©ral, et cherchent Ă
l’exercer également sur/dans l’Église. Mais si l’on s’en tient à la
présentation que la Bible fait de la reine Jézabel, et à l’emploi de la
référence de son nom, on comprend que pas une seule fois il n’est question d’un
esprit impur en tant que tel. Il est bon de s’en tenir à ce modèle et de ne pas
pousser les choses au-delĂ de leur sens. Ce choix salutaire gardera de la
tentation de chasser un « esprit de Jézabel » là où la
rébellion du cœur est souvent la seule en cause — ce qui pourrait
Ă©viter quelques combats spirituels imaginaires.
[2]Â Par
« esprit antichrist » (ou : esprit de l’antichrist), on entendra
tout ce qui s’approche et s’inspire de certains comportements décrits plus
tard dans le Nouveau Testament :Â
– 2 Thessaloniciens
2:3 « … le fils de perdition, qui s’oppose et s’élève contre tout
ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération»
-1 Jean 2:18 « Petits enfants,
c’est la dernière heure; et comme vous avez entendu que l’antichrist vient,
maintenant aussi il y a plusieurs antichrists, par quoi nous savons que c’est
la dernière heure »
-1 Jean 2:22 « Qui
est le menteur, sinon celui qui nie que JĂ©sus est le Christ? Celui-lĂ est
l’antichrist, qui nie le Père et le Fils ».
-1 Jean 4:3 « et
tout esprit qui ne confesse pas Jésus Christ venu en chair n’est pas de Dieu;
et ceci est l’ esprit de l’antichrist, duquel vous avez entendu dire qu’il
vient, et déjà maintenant il est dans le monde ».
– 2 Jean 1:7 « car
plusieurs séducteurs sont sortis dans le monde, ceux qui ne confessent pas
Jésus Christ venant en chair: celui-là est le séducteur et l’antichrist ».
[3]Â le
royaume de Sidon est situé au nord d’Israël, sur le territoire du Liban actuel
(entre Tyr et Beyrouth).
[4] Apostat :
personne ayant abandonné sa religion, qui a fait acte d’apostasie. Il est
possible d’être apostat en conservant les formes extérieures d’une religion
tout en incarnant des principes contraires.
[5] Littéralement
« Roi de la ville » (de Tyr), il est le dispensateur de la fertilité
(René Dussaud, Syria, et P. Lagrange, Étude sur les religions sémitiques).
[6] Astarté
est la déesse de la fécondité et son culte est surtout populaire à cause des
rituels et offrandes sexuelles qui lui sont offertes. Son adoration est une
source d’immoralité car ses prêtresses se livrent à la prostitution sacrée
(Juges 2/13, 10/6, 1 Rois 11/5, 33, 2 Rois 23/13). Ce culte est accompagné de
hiérogamie, c.-à -d. d’une union rituelle du roi et d’une prêtresse du dieu.
C’est Ishtar de la Mésopotamie qui est devenue Astarté chez les phillistins,
puis Aphrodite chez les grecs et Vénus chez les romains (sources : dictionnaire
biblique EmmaĂĽs, les Deux Babylones, et commentaires Scofield).
[7] Israël
et Juda n’ont pas eu de reine gouvernante en tant que telle. Certaines
influences ont existé (la régence d’Athalie). En revanche, nous trouvons des
cas particuliers en la personne d’Esther (à Babylone) et de Deborah qui seront
élevées, temporairement, à des postes de responsabilités politiques et/ou
spirituelles.
[8]Â 1
Rois 19/2
[9]Â 2
Rois 9/31
[10]Â autonome,
du grec ancien αὐτόνομος autonomos (« qui se rĂ©git par ses propres lois »).