Après avoir
exploré les différentes manières de considérer la vie chrétienne, et de faire
face à ses défis, le philosophe et théologien Kierkegaard est parvenu à la
conclusion que l’essence de toutes choses, du point de vue terrestre, pouvait
être résumée par cet aphorisme : «ce n’est pas le chemin qui est
difficile, mais c’est le difficile qui est le chemin».
Comment
accorder cette idée avec le fait que l’Évangile est une bonne nouvelle, et que
le joug de Jésus est doux, son fardeau léger [1]? Car en définitive, la Bible montre qu’il n’y a rien
de plus simple que d’être sauvé : « Quiconque invoquera le nom du
Seigneur sera sauvé»[2], rappelle l’apôtre Pierre à la foule
rassemblée le jour de la Pentecôte (Actes 2/21). Être sauvé, ce
n’est pas difficile, parce que « c’est sur le principe de
la foi, afin que ce soit selon la grâce » (Romains 4/16) ; c’est
ainsi qu’on entre dans la famille de Dieu, pour être appelés Ses enfants [3].
La
confirmation de ces choses transparaît dans les évangiles, où nous voyons
effectivement Jésus accueillir avec bonté tous ceux qui Le cherchent, et les
bénir sans distinction aucune, guérissant les uns, délivrant les autres,
réhabilitant chacun et pardonnant à tous sans rien demander en échange[4]. Pourquoi donc Kierkegaard dit-il que «
… c’est le difficile qui est le chemin» ?
Parce que
le Salut est gratuit, mais demeurer en Christ a un prix
En effet,
il apparaît clairement que lorsqu’une personne bénie par Christ veut le suivre,
faire de Lui le Maître et Seigneur, alors Jésus annonce  un chemin
difficile : « Si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas
son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, et ses soeurs, et même sa
propre vie, il ne peut être mon disciple … Ainsi donc, quiconque d’entre
vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple» (Luc
14/26 et 33).
Ainsi JĂ©sus
ne demande RIEN aux brebis perdues qui veulent être sauvées, mais il demande
TOUT aux rachetés qui veulent devenir des disciples, c’est-à -dire qui sont
appelés à devenir comme lui[5],
des temples remplis de Son Esprit[6].
La première
phase du Salut est donc simple et facile, dans le message de la Bonne
Nouvelle : tourner les yeux vers Jésus et recevoir par la foi[7] la justification que Sa Grâce nous a donné, de la
même manière que les Hébreux tournèrent les regards vers le serpent d’airain
dans le désert pour être guéris (Nombres 21/9).
Mais le
chemin pour entrer en Canaan passe par la traversée du Jourdain, et enchaîne
bataille sur bataille, Ă l’extĂ©rieur comme Ă l’intĂ©rieur : c’est Ă
une guerre que les héritiers des promesses sont appelés. Une guerre de
foi et une guerre de choix. C’est ainsi que l’enfant de Dieu travaille à son
propre salut avec la crainte de la Parole de Dieu[8]. .
Le chemin facile et le chemin
difficile
Dans le
contexte qui nous entoure, «le péché nous environne si facilement «[9] (l’apôtre parle à des chrétiens), ce qui
nécessite de notre part un enchaînement de prises de positions, de choix, de
rĂ©sistances et une fermetĂ© qui, si on les abandonne, nous entraĂ®neront Ă
glisser loin[10] de l’obtention des promesses pourtant certaines
qui nous ont été faites en Christ. Et donc à les perdre, si nous ne revenons
pas pour prendre la position que Dieu attend que nous prenions.
CĂ©der au
péché est facile, persévérer dans les enseignements de Jésus est difficile.
CĂ©der au
diable est facile, lui résister est difficile.
CĂ©der aux
convoitises de la chair est facile, dépouiller le vieil homme est difficile.
C’est
pourquoi «le difficile est le chemin»..
Du stade religieux au stade spirituel
«La
citation de Kierkegaard marque la différence entre le stade esthétique et le
stade éthique de l’existence. Par opposition au stade esthétique caractérisé
par la légèreté et la facilité, le stade éthique marque le sérieux de
l’engagement et la responsabilité du choix. Dire que «le chemin est difficile»
constitue en quelque sorte le mot d’ordre du stade religieux, alors que
la formule inversée « le difficile est le chemin » constitue le point d’ancrage
du stade spirituel. Pour Kierkegaard, le stade spirituel se caractérise
par le saut dans la foi, saut qui passe par le sacrifice de la raison sur
l’autel de l’inconnu[11]».
La notion
de la liberté personnelle, qui est totale à son départ, se
rétrécit, pour aller, par une soumission librement consentie, vers
l’accomplissement du renoncement à soi-même[12] : «Nul ne peut servir deux maîtres» (Mat.
6/24).
La marge de
manœuvre de notre volonté propre diminue à mesure que nous entrons en Christ,
comme l’évoque l’image du «dépouillement du vieil homme» pour
«revêtir le Nouvel Homme en Christ»[13].
Humainement
parlant, nous aimerions suivre Christ sans avoir Ă porter de croix, sans avoir
à renoncer à nous-même, au travers d’une relation que Dieu, dans Sa grâce,
rendrait facile. Mais tel n’est pas le cas.
«Marcher,
aller de l’avant, ajouter : voilà le difficile. Nous voudrions
que Dieu fît tout pour nous, alors que chacun de nos efforts, si minime
soit-il, est soutenu par toute la grâce de Dieu»[14]..
La joie de l’Éternel sera votre force[15]
Préventivement,
Dieu a placé en nous un espoir que rien ne peut éteindre, parce qu’il sait que
l’obscurité du doute et du désappointement nous enveloppera souvent sur ce
chemin : « L’attente des justes n’est que joie, mais l’espérance
des méchants périra» (Proverbes 10/28).
Cette joie
doit grandir, cette joie veut grandir en nous : «Le
sentier des justes est comme la lumière resplendissante qui va croissant,
jusqu’à ce que le plein jour soit établit» (Proverbes 14/8).
Christ a
marché sur le chemin difficile, «ayant en vue la joie qui lui était
réservée, il a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et il s’est assis à la
droite de Dieu» (Hébreux 12/2). Il n’avait pas les yeux sur les
circonstances, les douleurs, les souffrances, mais sur ce qui l’attendait, au
delĂ de ces choses.
N’ayons pas
peur que «le difficile soit le chemin». Sénèque disait  : «Ce
n’est pas parce que les choses sont difficiles que l’on n’ose pas, mais parce
que l’on n’ose pas que les choses sont difficiles»…
Le chemin
qui mène à la Vie, à la joie de l’Éternel, est un chemin dont les difficultés
et les impossibilités ne doivent pas effrayer les élus. Comme Christ a méprisé
l’ignominie, à cause de la joie qui lui était réservée, nous aussi, dans notre
marche par l’Esprit, nous sommes encouragés à considérer «le difficile» sans
aucune crainte, «car j’estime, dit l’apôtre Paul, que
les souffrances du temps présent ne sont pas dignes d’être comparées avec la
gloire à venir qui doit nous être révélée» (Romains 18/8).
C’est ainsi
que nous sommes rendus capables d’avancer. Voilà comment Dieu peut rendre léger
un fardeau qui est par définition contraignant et indésirable : Il le rendra
léger en infusant en nous la joie d’être à la bonne place, recevant en nous le
témoignage intérieur que nous marchons dans sa volonté, parce que nous avons
accepté ce chemin, cette croix, alors que nous n’avions pas la force de la
porter. Sa joie viendra à notre secours, la joie qu’Il ressentira en nous
voyant suivre sa volonté, elle viendra en nous, pour nous donner des chants
dans la nuit[16], et nous offrir les trésors des ténèbres[17]. Pour rendre son fardeau léger.
JĂ©rĂ´me
Prekel2014©www.lesarment.com
[1]Â Matthieu
11/30
[2] Joël
2/32 : «Alors quiconque invoquera le nom de l’Eternel sera sauvé; Le
salut sera sur la montagne de Sion et à Jérusalem, Comme a dit l’Eternel, Et
parmi les réchappés que l’Eternel appellera».
[3]Â Jean,
1 : «…et à tous ceux qui L’ont reçu, il a donné le pouvoir de
devenir enfants de Dieu …»
[4]Â Matthieu
10/8 : «Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement»
[5] Ephésiens
4/13 : «jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la
foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure
de la stature parfaite de Christ» Galates 4/19 : «jusqu’Ă
ce que Christ soit formé en vous»
[6]Â 1
Corinthiens 6/19 : « Ne savez-vous pas que votre corps est le
temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous
ne vous appartenez point à vous-mêmes?»
[7] Ephésiens
2/8 : « Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi; et cela ne vient
point de vous, c’est le don de Dieu»
[8]Â Philippiens
2/12 : « Ainsi donc, mes bien-aimés, de même que vous avez toujours
obéi, non seulement comme en ma présence, mais beaucoup plus maintenant en mon
absence, travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement»
[9]Â HĂ©breux
12/1 : « C’est pourquoi, nous aussi, ayant une si grande nuée de
temoins qui nous entoure, rejetant tout fardeau et le péché qui nous enveloppe
si aisément, courons avec patience la course qui est devant nous»
[10]Â HĂ©breux
2/1 : « C’est pourquoi nous devons d’autant plus nous attacher aux
choses que nous avons entendues, de peur que nous ne soyons emportés loin
d’elles».
[11] D’après
JL Berlet (S. Kierkegaard, Craintes et tremblements).
[12]Â Galates
5/13 : «Frères, vous avez été appelés à la liberté, seulement ne faites
pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair; mais rendez-vous, par
la charité, serviteurs les uns des autres».
[13]Â Colossiens
3/9 : «Ne mentez pas les uns aux autres, vous étant dépouillés du vieil
homme et de ses oeuvres, et ayant revêtu l’homme nouveau, qui se renouvelle,
dans la connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé».
[14]Â Oswald
Chambers
[15] Néhémie 8/10
[16] Job 35/10 : « Où est Dieu, mon créateur,
Qui inspire des chants d’allégresse pendant la nuit ?»
[17] Esaïe 45/3 : « et je te donnerai les
trésors des tenebres et les richesses des lieux cachés; afin que tu saches que
moi, l’Eternel, qui t’ai appelé par ton nom, je suis le Dieu d’Israël».