La conversion du gérant habile
Luc
3 : 7-14 Luc 16 : 1-9
Franchement,
qu'est-ce qu'on peut tirer de cette histoire, de cette parabole du gérant
malhonnête et astucieux. Qu'est-ce qui a pris Jésus ce jour-là de nous raconter
une histoire pareille ? Qu'est-ce qui a pris à Luc de placer cette histoire
dans son Evangile ? En tout cas, son étrangeté est une garantie pour nous de
son authenticité. Si Jésus ne l'avait pas prononcée lui-même, jamais personne
n'aurait eu l'audace de placer ces paroles dans sa bouche.
On
pourrait comprendre que Jésus raconte cette histoire de gérant malhonnête en
nous disant de faire le contraire, comme un contre exemple, comme une voie à ne
pas suivre. Mais ici, la morale que Jésus donne à cette histoire est : "Le maître de ce gérant malhonnête le loua
d'avoir agi si habilement." (Luc 16:8). Cette histoire immorale doit
donc nous servir d'exemple !
De
quoi Jésus veut-il nous parler, que veut-il nous faire comprendre ? Reprenons
l'histoire pour ne rien manquer :
• Un propriétaire apprend que son gérant
gaspille ses biens.
• Il le convoque, lui annonce son
licenciement, et lui demande d'établir le bilan de sa gestion, un inventaire,
avant de partir.
• Le gérant est paniqué, il se voit sans
avenir, sans ressource et sans ami. Il ne voit pas vers quelle activité se
reconvertir. Il est perdu et cherche son salut. C'est là qu'il se révèle
astucieux : avec les derniers pouvoirs qui lui restent, il allège les dettes de
ses clients, avec l'espoir — pas forcément une assurance — que ces débiteurs
soulagés, reconnaissants, pourront ou voudront bien le recueillir lorsqu'il
aura perdu son emploi.
C'est
l'astuce, l'intelligence de cette dernière manœuvre que le maître loue !
(sûrement pas le gaspillage de ses biens ou la remise des dettes de ses
débiteurs).
1. Première
leçon à tirer : nous avons à être aussi inventifs et intelligents
que les gens malhonnêtes dans nos missions, dans nos tâches, dans nos
relations. C'est comme si Jésus nous disait : "Voyez quelle énergie les
gens mettent à trouver des solutions habiles pour se sortir d'un mauvais pas.
Mettez autant d'énergie à développer, à maintenir ou préserver les relations
qui comptent pour vous !
2. Deuxième
leçon à tirer : voyez comme tant de gens transforment le bien en mal
— on lit cela tous les jours dans les journaux — appliquez-vous avec autant de
soin que ce gérant à transformer le mal en bien, les dettes en amitié. Le
maître loue les efforts du gérant plus que les moyens utilisés ou les résultats
obtenus.
3. Et puis, il y a une troisième chose intéressante : lorsque le
gérant est acculé, qu'il se sent perdu, il change complètement son point de
vue, sa façon de faire, il opère un renversement complet, — ce que j'aimerais
appeler une conversion. Lorsque l'argent va le lâcher (il va être renvoyé), il
se tourne d'un coup vers le relationnel. Il change brusquement de cheval
lorsqu'il réalise qu'il avait misé sur le mauvais. Il réalise que la seule
chose importante dans la vie, et surtout dans les coups durs, c'est d'avoir des
amis.
La conversion du gérant
est un changement de valeurs. Même
plus, c'est un changement de système, de cadre de référence.
Il
a vécu pleinement dans le système économique de l'argent, profitant du système,
jouant selon ses règles, peut-être se jouant des règles. Mais il prend
conscience tout à coup — au moment d'en être éjecté — que ce système n'assure
aucune sécurité. En vitesse, il essaie de convertir la valeur économique en valeur
relationnelle, comme quelqu'un convertirait sa monnaie locale en pleine
dévaluation en or ou en monnaie forte pour sauver ce qui peut l'être encore.
Cette parabole nous
confronte donc à l'existence de ces deux systèmes qui subsistent en parallèle :
d'un côté, l'économie de l'argent
(que l'Evangile nomme Mammon) et de l'autre, l'économie du Royaume de Dieu ou
de l'agapè (l'agapè est le terme grec qui signifie l'amour dans le Nouveau
Testament). Ces deux économies ne fonctionnent pas selon les mêmes règles.
L'économie de l'argent fonctionne selon les principes de la rareté et de
la compétition. Le gâteau a une certaine taille et si je veux une plus grosse
part, quelqu'un en aura une plus petite.
L'économie de l'agapè ou
du Royaume de Dieu fonctionne au
contraire selon les principes de l'abondance et du partage. Il y a une quantité
illimitée d'amour et son partage ne fait que le multiplier.
C'est
pourquoi Jésus dit aussi, quelques versets plus loin :
"Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres; il haïra l'un
et aimera l'autre; il sera fidèle à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez
pas servir à la fois Dieu et l'argent." (Luc 16:13).
Ce
qui signifie pour moi qu'on ne peut pas appliquer en même temps les règles de
l'économie de l'argent et celle de l'économie de l'agapè. En d'autres termes,
on ne peut pas appliquer les règles de l'économie de l'argent dans le domaine
des relations interpersonnelles sans se détourner de ce que Dieu nous demande
de vivre. Il
est insensé d'être avare d'amour alors qu'on ne risque jamais d'en manquer.
La
conversion du gérant — qui lui vaut la louange du maître — nous encourage donc
à réfléchir au type de règles (économiques) que nous mettons en oeuvre dans
notre vie. La
conversion du gérant nous encourage à miser sur l'économie du Royaume de Dieu
pour nous en sortir, pour vivre pleinement.
Reste à voir ensuite,
comment nous pouvons mettre à profit l'économie de l'argent pour promouvoir
l'économie du Royaume de Dieu, comme Jésus nous y exhorte lorsqu'il dit :
"Et moi je vous dis : faites-vous des amis
avec les richesses de ce monde, afin qu'au moment où elles viendront à vous
manquer on vous reçoive dans les demeures éternelles. (Luc 16:9).
Amen
©
Jean-Marie Thévoz, 2013
Source :
http://discernerlesondushofar.eklablog.com