par Jacques-Daniel Rochat
Le
lien des Cellules de Prière
N°
270 juillet – septembre 2014
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La
prière est universelle et chaque jour, des milliards d'hommes et de femmes
adressent des requêtes à l'intention de leur dieu(x). Cette expression
religieuse est une évidente démonstration que l'homme n'est pas seulement
biologique, il a une dimension spirituelle qui l'invite à établir un lien avec
l'invisible. La prière vient donc des profondeurs de l'homme que Dieu a créé
pour abriter son souffle. Cette soif spirituelle est si intense, que même les
athées les plus convaincus se surprennent à prier dans des situations de
détresse.
Mais
si la prière vient d'une impulsion du coeur, on peut observer qu'elle est Ã
l'image de celui que nous invoquons. Ceux qui imaginent un dieu cruel cherchent
à apaiser ses colères, ceux qui le considèrent comme lointain et insensible
essayent de l'intéresser à leur sort. Peurs, marchandages, répétitions,
sacrifices, incantations, voire sanglantes pénitences, sont à l'image des dieux
que les hommes imaginent.
Cette
règle s'applique aussi dans les églises, et notre manière de prier reflète
notre connaissance de Dieu. Qui est-il pour nous, comment comprenons-nous son
action dans notre vie et dans le monde ?
Dans
les évangiles, Jésus souligne ce danger de nous égarer dans notre manière de
prier à l'exemple des païens qui ne savent pas à qui ils s'adressent.
«
En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui
s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés. » Matthieu 6.7
La
question de la prière nous entraîne donc au coeur de la personne de Dieu, et
mieux nous le connaîtrons, plus notre prière sera juste et efficace. Alors,
comment la révélation biblique peut-elle nous conduire à prier de manière juste
? Quels sont les éléments clés qui peuvent illuminer notre relation avec Dieu ?
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Une stratégie d'aveuglement
Avant
tout, il est bien de réaliser que les conceptions païennes sont le fruit d'une
stratégie délibérée de mensonge. Cette adversité contre Dieu commence dans la
Genèse, lorsque le diable suggère aux hommes que Dieu cherche à les priver d'un
statut divin.
«
Le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point, mais Dieu sait que, le jour
où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme Dieu,
connaissant le bien et le mal. » Genèse 3.4-5
Selon
ces allusions, Dieu n'est pas bien intentionné, il n'est pas amour... L'homme
va malheureusement accepter cette image trompeuse et s'écarter de son Créateur.
Depuis cet épisode, ce processus diabolique s'emploie à pervertir l'image de
Dieu afin de garder les hommes sous sa domination. Dans l'Ancien Testament, ces
séductions conduiront fréquemment les Hébreux à se détourner de leur Libérateur
pour servir des idoles cruelles et sanguinaires *1.
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Aujourd'hui
encore, c'est avec la même virulence que l'oeuvre d'amour du Christ est
attaquée ou niée en vue de cacher la vraie nature de Dieu. Ces mensonges
n'épargnent malheureusement pas les églises et de nombreux chrétiens ne
réalisent pas que leur vision de Dieu est pervertie par ces mensonges.
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Par
exemple, la croyance que Dieu habite des lieux sacrés conduit beaucoup de
communautés à consacrer la plus grande part de leurs ressources à élever des «
églises de pierres » ou les fidèles seront invités à rendre un culte *2.
Pourtant, aucun édifice ne saurait contenir le Créateur, car la Terre,
l'univers et ses myriades de galaxies ne sont que des vapeurs transparentes.
L'acier le plus solide, l'édifice le plus colossal, l'or le plus précieux et
toutes les choses matérielles sont des grains de poussière vides et éphémères
que l'Esprit-Saint peut traverser ou dissoudre. À la liberté divine de jouer
avec les lois de la physique ou de la biologie, s'ajoute la domination sur le
temps. Un jour ou mille ans ne pèsent rien pour l'Éternel.
Ces
vérités nous permettent de mesurer un hallucinant privilège : ce Dieu si grand
écoute nos prières et prête attention jusqu'à nos soupirs !
«
Seigneur ! tous mes désirs sont devant toi et mes soupirs ne te sont point
cachés. » Psaumes 38:9
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Qui est responsable ?
Mais
alors si Dieu a toute cette puissance, pourquoi les guerres et les souffrances
? Ne devrait-il pas agir dans le monde ?
Ces
questions sont pour le diable l'occasion de distiller d'autres mensonges. Dieu
n'existe pas, chuchote-t-il aux hommes chargés de répandre cette idée dans les
médias. Aux croyants, il murmure qu'il faut l'implorer longtemps, faire des
sacrifices, offrir des richesses, pour qu'il consente peut-être à agir.
Un
subtil mensonge : si le monde est dans la souffrance, c'est que Dieu n'existe
pas !
Avec
ces tromperies, l'homme est progressivement enlacé par le sentiment que c'est Ã
Dieu que revient la responsabilité du mal ou qu'il n'est pas si bon et que
c'est à l'homme de le convaincre de venir le combattre par des actions
surnaturelles.
Lors
d'un voyage en Afrique, j'ai pu observer que cette vision avait conduit des
églises à prier plusieurs années pour chasser « l'esprit de pauvreté » qui
gangrenait leurs régions. Malgré les cris, les jeûnes... la pauvreté avait
pourtant progressé... Dieu ne souhaitait-il pas restaurer ce pays ?
Manquaient-ils de foi ?
Si
cette manière de prier n'a pas entraîné de changement, c'est qu'il lui manquait
une révélation fondamentale de l'Écriture : Dieu a confié la gouvernance de sa
création à l'homme.
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«
Puis Dieu dit : faisons l'homme à notre
image, selon notre ressemblance, et qu'il domine (...) sur toute la terre...
» Genèse 1.26
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Cette
Parole biblique est capitale ; l'homme a reçu les clés du « jardin », il est le
maître de la création qui a été placée sous son règne.
Avec
ce mandat, l'homme est responsable de cultiver et de développer son
environnement. Cette vocation, qui vise à créer une société bâtie sur la paix
et l'amour, s'accompagne d'une aptitude à se multiplier pour conquérir et
couvrir la terre. Ainsi, et contrairement à une idée reçue, ce n'est pas Dieu
qui décide de la venue d'un enfant (et donc de notre vie). Certes, il est le
Créateur et il a béni cette capacité de procréer, mais il en a confié le pouvoir
à l'homme et à la femme *3.
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Avec
le « jardin » et toutes les capacités offertes par Dieu, les êtres humains sont
élevés à une position royale sur la création. Tel un père qui ne reprend pas
les cadeaux qu'il donne à ses enfants, toute l'Écriture témoigne de l'immense
respect de Dieu envers l'autorité qu'il a confiée à ses créatures. C'est
pourquoi ce n'est que lorsque le mal va au-delà de sa patience qu'il usera
d'ingérence en limitant la durée de la vie humaine ou en intervenant avec force
dans les affaires du monde *4.
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Les prières de Dieu...
La
« distance » respectueuse de Dieu ne signifie toutefois pas qu'il se maintient
à l'écart du destin de l'humanité. Au contraire, il ne cesse tout au long de
l'histoire humaine d'implorer les hommes à choisir la vie et à s'écarter du
mal.
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«
Choisis la vie, afin que tu vives, toi et
ta postérité » Deutéronome 30.19
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«
Jérusalem, Jérusalem, qui tues les
prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu
rassembler tes enfants, comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et
vous ne l'avez pas voulu ! » Luc 13.34
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Alors
que de nombreuses personnes accusent Dieu avec colère de permettre la
souffrance et le mal, bien peu ont conscience des prières que Dieu leur adresse
pour les supplier de faire le bien et de recourir à sa grâce *5. Ces appels si
intenses le conduiront à venir subir l'injustice dans le royaume des hommes.
Ces
« prières de Dieu » ne mettent pas seulement en lumière la responsabilité de
l'humanité, mais elles dévoilent aussi les enjeux fondamentaux. Car si Dieu ne
cesse de souhaiter un monde d'amour et de paix, notre prière doit évidemment
s'intégrer dans ces désirs qui viennent du « ciel ».
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Cette
union de coeur s'exprime avec force dans la prière du Notre Père : « Que ton règne vienne, que ta volonté soit
faite sur la terre comme au ciel... »
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Dans
cette invocation se joue un choix essentiel. Est-ce que le royaume des hommes
sera gouverné par l'amour de Dieu, ou sera-t-il déchiré par une arrogance
humaine et diabolique ?
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«
Que ta volonté..., que ton règne...,
viens Seigneur Jésus... » Toutes ces demandes résument la prière suprême,
elle consiste à invoquer Dieu afin de lui permettre d'exercer une juste
gouvernance sur notre vie, notre famille, la société et notre environnement.
C'est
par cette collaboration dans la foi qu'Abraham, Moïse, David et d'innombrables
croyants ont modifié le cours des choses en permettant à Dieu de les utiliser
pour intervenir dans le monde. Par leur service, Dieu a pu libérer des captifs,
guérir et restaurer des vies, exercer la justice et apporter la paix. C'est
encore par Jésus, le « fils de l'homme », que Dieu pourra pleinement manifester
sa bonté et sa gouvernance dans la création. Lors de la Pentecôte, ce mandat
descendra sur l'Église et les chrétiens pourront faire rayonner cette grâce et
la répandre dans les nations.
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Ouvrir le monde à Dieu
Comme
le montrent ces exemples, les exaucements passent par des serviteurs et des
servantes qui sont prêts à devenir les porteurs de la volonté de Dieu. C'est ce
désir de collaboration qui conduira les disciples à invoquer l'aide divine
lorsqu'ils seront face à de grandes adversités.
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«
Seigneur, vois leurs menaces, et donne Ã
tes serviteurs d'annoncer ta Parole avec une pleine assurance... » Actes
4.29
Remarquons
que les disciples ne demandent pas à Dieu de chasser « magiquement » la
domination de Satan sur leur pays ; ils savent que c'est par eux que Dieu
pourra progressivement faire tomber la puissance de l'ennemi et établir son
règne. La conscience de leur responsabilité dans l'oeuvre de Dieu leur
permettra de vivre une union exemplaire avec l'Esprit *6.
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«
Je vous le dis en vérité, tout ce que
vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez
sur la terre sera délié dans le ciel » Matthieu 18.18
Cette
remarquable alliance entre l'Esprit et l'Église souligne le rôle déterminant
des hommes dans le fait de permettre ou non à Dieu de répandre sa bonté sur la
Terre. Ce choix commence par la prière, car c'est en étant pénétré des justes
sentiments de Dieu que nous pouvons ouvrir notre vie à son règne et faire
rayonner sa grâce dans le monde.
«
La prière du juste (et donc du
justifié en Christ) a une grande
efficacité. » Jacques 5. 16
Prier
n'est donc pas une suite de demandes que l'on répète (parfois en criant). C'est
une collaboration active avec le Saint-Esprit.
Dans
la Bible et dans la vie chrétienne, nous pouvons observer que les actions de
Dieu ne se manifestent pas seulement par des miracles spectaculaires, car en
ouvrant notre « espace d'influence » à Dieu, nous lui permettons d'agir dans
les fondements de la création. Cette bénédiction se manifeste par
d'innombrables actions favorables : ici un détail va tout changer et permettre
l'exaucement, là un « hasard » providentiel entraîne des transformations
majeures dans l'histoire...
Combien
de fois dans ma vie j'ai pu voir cette contribution divine m'éviter des échecs,
me faire passer à côté du drame, pallier à mes faiblesses et à mes ignorances,
combattre le mal, faire réussir un projet et me permettre de voir descendre la
grâce et la bénédiction...
Oui,
l'Esprit de Dieu travaille et agit en profondeur pour bénir le monde. Sans la
prière qui invoque l'assistance de Dieu, « le jardin » donné aux hommes aurait
depuis longtemps basculé dans le chaos et se serait consumé.
Nous
le savons, la création a été plongée dans la vanité et ce qui est poussière
finira par disparaître. Aucune prière ne saurait remettre en question ce
dénouement qui marquera la destruction absolue du mal.
Toutefois,
et alors que nous sommes dans ce monde, soyons de ceux qui accueillent et
portent les désirs qui habitent le coeur de Dieu. Avec lui, apportons cette
bonne nouvelle, libérons les captifs, ouvrons les yeux des hommes afin de leur
permettre de trouver la grâce.
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Questions à méditer ou à partager en
groupes
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-
Est-ce que votre manière de prier est inspirée par la révélation biblique ou
par des habitudes païennes ? Si oui lesquelles et comment les changer ?
-
Comment pouvons-nous demander à Dieu d'exercer sa volonté dans la gouvernance
qui nous est confiée (vie, famille, travail, église, société) ?
-
Face à l'adversité et à la mission d'apporter l'Évangile au monde, comment
pouvons-nous, dans l'Église, collaborer avec l'Esprit (voir l'exemple d'Acte 4.
23-31) ?
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NOTES
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1 : Ces dérives atteindront leur paroxysme lorsque les juifs
sacrifieront leurs enfants au Dieu Moloc. Voir Jérémie 32.35.
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2 : L'idée de se faire des temples (et un clergé) pour honorer Christ
est un héritage de la culture païenne romaine en vigueur au 4e siècle. Dans le
judaïsme, les juifs n'allaient pas à l'intérieur du Tabernacle ou du Temple de
Jérusalem, car ces édifices étaient réservés aux sacrificateurs. Les évangiles
soulignent que ces édifices étaient des symboles précurseurs destinés à révéler
l'oeuvre spirituelle du Christ et de son corps (Jean 2.19, 1 Rois 8.27). Dans
le Nouveau Testament, c'est le croyant qui est la pierre vivante et le temple
du Saint-Esprit. C'est pourquoi Christ est présent là ou deux ou trois sont réunis
en sont nom. La vraie église est donc toujours une communauté. Un bâtiment peut
être un utile lieu de rassemblement, mais ne doit en aucun cas être sacralisé.
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3 : Cette part décisive que jouent les désirs biologiques et humains
dans notre naissance est par exemple citée lorsque Jean parle du pouvoir de la
Parole de faire de nous des enfants de Dieu : « Mais à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a
donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni
de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. »
Jean 1.12-13, 3
Ces
propos trouvent un écho lorsque Jésus indique à Nicodème que ce qui est
biologique et issu des désirs de l'homme doit passer par un processus de
nouvelle naissance :
«
En vérité, en vérité, je te le dis, si un
homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit
: comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le
sein de sa mère et naître ? Jésus répondit : en vérité, en vérité, je te le
dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume
de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est
esprit. » Jean 3.3-6
Â
4 : Les différents jugements que l'on trouve dans l'Ancien Testament et
qui touchent les débuts de l'humanité, l'époque de Noé, de Sodome et Gomorrhe,
des empires ou d'autres nations... sont toujours produits par une démesure du
mal.
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5 : Ce n'est évidemment pas par faiblesse, mais à cause de son amour infini
que le Dieu attend patiemment que nous lui ouvrions notre coeur, voir
Apocalypse 3.20, 2 Pierre 3.9.
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6 : Cette intime collaboration avec l'Esprit s'exprime par exemple
lorsque les apôtres vont donner des instructions essentielles aux nouvelles
églises « il a paru bon au Saint-Esprit
et à nous... » Actes 15.28
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Source :
http://www.shekina.comÂ
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