L'enfant
livré à lui-même fait honte à sa mère. Proverbes 29.15.
Les "croulants" sont débordés. Leurs "
grands" - seize et dix-sept ans - tournent franchement mal. Ils courent
les rues, rechignent Ă la besogne et rentrent tard au logis. De vrais chenapans
qui font fi des supplications parentales. Pour obtenir un semblant de
soumission et des bribes d'Ă©gard, le chef de famille - titre Ă´ combien
dérisoire ici! - ne peut que céder et se taire pour ménager ce petit monde
susceptible et arrogant: le moindre heurt, le plus infime reproche
déclencheraient une explosion aux retombées imprévisibles: des fugues ... ou le
suicide! Pourquoi pas? Ces " gentils " petits n'en sont pas à ça près.
J'engage la conversation avec des amis qui les connaissent
bien et déplorent, comme moi, l'affligeante déroute dont l'explication, me
semble-t-il, " crève les yeux ". Comme il se doit, papa travaille et
gagne largement sa vie. Belle situation en vérité: la vie matérielle du foyer
est donc largement assurée. Mais, de son côté, l'épouse occupe un emploi bien
trop lucratif pour se résoudre à l'abandonner. On n'a pas subi examens et
concours pour rien! Et puis, l'abondance d'espèces sonnantes et trébuchantes -
que ce dernier mot est bien choisi - n'est pas à dédaigner. Donc maman
travaille et n'a pratiquement jamais lâché son métier, même lorsque les siens
étaient en bas âge. Etonné, j'interroge:
- Mais que faisait-elle d'eux lorsqu'ils Ă©taient petits?
- Pas de problèmes! Après les nourrices, la crèche, puis
l'Ă©cole maternelle. L'enfant qui devait rentrer le premier Ă la maison avait,
sage précaution, la clé suspendue à son cou.
Ainsi je comprends: lorsque les deux garçons regagnaient
leur demeure, ils trouvaient l'appartement vide et parce qu'une maison sans la
maman est triste, ils filaient aussitôt dans la rue retrouver les copains logés
à la même enseigne. Et c'est la rue qui eut, à défaut de parents, le triste
privilège de les éduquer. Belle éducation en vérité aux fruits plutôt amers.
Doit-on s'en étonner? Tant de pères et de mères ont prétendu consacrer leur
bébé au Seigneur alors qu'en réalité, ils le sacrifiaient à Mammon (1).
Je tiens d'une institutrice d'Ă©cole maternelle le fait
suivant : l'une de ses élèves, très indépendante de caractère, change
totalement de comportement le jour où la maman reprend son activité
professionnelle interrompue depuis deux ou trois années. Dès lors perturbée,
l'enfant Ă©prouve le besoin de se faire cajoler: elle mendie de l'affection et
se montre comblée lorsque la maîtresse consciente de la situation de l'élève,
s'intéresse à elle et la prend dans ses bras. Un jour - miracle! - la fillette
retrouve son allant d'autrefois. L'explication est simple: contrainte au chĂ´mage,
la mère peut encore rester chez elle et donc consacrer plus de temps à sa
fille.
Oui, l'enfant veut une maman qui l'accueille Ă la maison.
J'en avais la preuve, chaque fois que ma femme Ă©tait absente lorsque les
enfants rentraient de classe. Leurs premiers mots Ă©taient invariablement:
- OĂą est maman?
Question vexante pour le papa qui les attendait. J'Ă©tais
présent, bien présent ... mais c'était elle qu'ils réclamaient. Toujours.
Une mère, sauf cas de force majeure, devrait rester au
foyer. Elle est l'âme de la maison et une maison sans âme est triste pour
l'enfant. Sans doute, la maman qui travaille objectera-t-elle:
- Vous avez raison mais mon mari gagne trop peu pour faire
face aux dépenses du ménage. Nous avons de la peine à joindre les deux bouts,
mĂŞme avec un double salaire.
Motif ou prétexte? Je ne sais. Pourtant, je vois autour de
moi des foyers - il y en a encore - qui parviennent à vivre décemment avec un
salaire unique, mĂŞme modeste. Ce fut notre cas, en particulier -lorsque nous
habitions en plein Paris avec quatre enfants aux Ă©tudes et de nombreuses
visites Ă notre table. Le sage avec raison disait: " L'argent le plus
facile Ă gagner est celui qu'on Ă©conomise ". Parole d'or que devraient
méditer de jeunes parents. Ils découvriraient sans peine que la femme au foyer
gagne plus qu'on ne croit lorsqu'elle se donne aux siens et à son ménage.
Certes, il n'appartient Ă personne de juger une maman qui travaille et je me
garderai d'en culpabiliser une seule, en dramatisant les choses. D'ailleurs,
les lignes qui précèdent ne concernent nullement les épouses dont les enfants
sont hors du nid, les célibataires, les veuves même chargées de famille ou les
femmes abandonnées trop heureuses d'être employées pour répondre aux besoins de
leur nichée. Toutefois, si Dieu vous interpelle en lisant ces lignes, examinez
honnĂŞtement votre situation pour savoir si vous devez conserver plus longtemps
une activité qui vous tient éloignée de la maison. Vous serez encouragée de
savoir qu'en y renonçant vous rendrez un fier service Ă un chĂ´meur: grâce Ă
vous, il pourra porter son salaire Ă la maison, pour la joie de toute une
famille.
A bien réfléchir, la femme salariée est à plaindre car elle
dispose de bien peu de temps. Les jours n'ont que vingt quatre heures et les
forces sont loin d'ĂŞtre illimitĂ©es: peu de temps pour son âme, peu de temps Ă
consacrer aux siens. Peu de temps pour le ménage et les travaux domestiques,
pour les amis, l'Eglise et ... elle-mĂŞme. Pourrait-elle imiter cette maman qui
se rend toutes les semaines au centre culturel pour y apprendre la poterie et y
Ă©largir le cercle de ses amies? Pendant que les enfants sont en classe,
serait-elle en mesure de jouer un rĂ´le actif dans une Ĺ“uvre sociale, de visiter
des personnes isolées ou d'exercer son talent dans une école de musique?
Souvent reprise intérieurement, la mère débordée tentera de
compenser par de l'argent ou des cadeaux l'affection dont elle frustre ses
enfants. Elle abdiquera souvent " pour avoir la paix", trop lasse
pour maîtriser des gamins d'autant plus déchaînés qu'elle manque d'énergie pour
leur tenir tête. Elle attendra l'été pour refaire surface, à condition de se
débarrasser des gosses qu'on expédiera volontiers et avec bonne conscience dans
une colonie d'autant plus si elle est évangélique - ils s'y feront tellement de
bien! - afin de ne pas subir leur présence. Il faut bien récupérer son énergie
perdue ... avant de reprendre le travail !
Lors des événements de 1968, il me fut remis un tract
ramassé quelque part dans le quartier latin et distribué massivement par
d'ardents gauchistes: un texte dense aux relents de révolte, rédigé en termes
orduriers qui ne ménageaient ni les adultes, ni les parents. Or, dans ce fatras
de grossièretés, une phrase digne d'être méditée attira mon attention: "
Nous sommes des mal-aimés ". Nombre de gens aux cheveux grisonnants
pouvaient baisser la tête, eux qui avaient préféré à leurs enfants le travail,
l'argent et un semblant d'indépendance. Que le reproche d'avoir été mal aimé ne
parvienne jamais Ă vos oreilles.
Une maman souvent absente de chez elle, voyant tous les
siens s'éloigner de la foi, invita l'un de ses fils à lui ouvrir son cœur:
- Maman, lui répondit-il, il y a une phrase que tu répétais
sans cesse et qui m'Ă©tait devenue insupportable: " Jacques, tu garderas la
maison".
Ne perdez pas vos enfants. Leur âme est précieuse plus que
tout autre chose.
Par André Adoul
Note:
(1) Dieu de l'argent.
Référence: "Nos
enfants", André Adoul
Source :
http://sentinellenehemie.free.fr