L’espace pourrait être le champ de bataille pour la
troisième guerre mondiale.
Par Peter
Singer et August Cole
De
nombreux experts estiment qu’une future guerre entre les grandes puissances
pourrait se jouer dans l’espace, puisque les nations produisent des vaisseaux
spatiaux qui ont potentiellement des applications militaires. La US Air
Force a lancé la troisième mission de son véhicule orbital expérimental, le
X-37B, de Cap Canaveral, en Floride, en décembre 2012. Les militaires des
États-Unis ont récemment budgété $ 5 milliards pour des capacités de guerre
spatiale.
« Ceci est
la marine chinoise. S’il vous plaît, disparaissez rapidement. »
Ce fut la
scène que CNN a capturé le mois dernier quand un avion de surveillance P-8 de
la US Navy a reçu l’ordre de s’éloigner rapidement d’une base que la Chine
construisait dans les eaux contestées du sud de la Mer de Chine.
La chose
effrayante pour nous est que c’est aussi la scène d’ouverture de notre nouveau
livre,« Ghost Fleet », qui
explore les risques de ce qui pourrait arriver si les grandes puissances du
21ème siècle décidaient de se déclarer la guerre. La probabilité d’une « guerre inter-états »est faible en
ce moment, mais, elle est croissante, selon un rapport du Pentagone publié mercredi.
Si une
guerre devait éclater, un des principaux enseignements de ce livre est qu’un
tel conflit ne serait pas contenu Ă ces eaux, mais, plutĂ´t dans des endroits oĂą
les humains n’ont jamais combattu auparavant.
La
dernière fois que les nations les plus puissantes de la planète se sont
affrontées était il y a 70 ans. Notamment, c’était aussi l’année où un
jeune physicien nommé Arthur C. Clarke est arrivé avec l’idée de mettre un réseau
de satellites
artificiels en
orbite géostationnaire au-dessus de la Terre.
Arthur C.
Clarke est par la suite devenu un des plus importants Ă©crivains de
science-fiction de l’histoire avec des œuvres comme « 2001, l’Odyssée de l’Espace. » Son concept de satellite a été transformé
en réalité près d’une décennie plus tard et a façonné le monde d’une manière
qui a fondamentalement changé la science, les affaires et les communications.
Ceci
façonnera également le prochain grand conflit, puisque l’espace, un domaine qui
Ă©tait inaccessible Ă Arthur C. Clarke ou aux militaires en 1945, est maintenant
une réalité technologique et militaire.
Aujourd’hui,
environ 1100 satellites
actifstournent autour du globe. Grâce à eux,
fonctionnent non seulement les émissions télévisées que nous regardons et les
appels téléphoniques que nous faisons, mais aussi, les systèmes nerveux des
armées modernes ; Et pas seulement ceux des États-Unis, mais ceux de toutes les
nations partout dans le monde.
Ils
comprennent les satellites de communication qui relient les avions, des
missiles et des troupes sur le terrain (80% des communications par satellite des
militaires américains sont envoyées par des satellites civils) à des satellites
d’espionnage qui permettent de suivre chaque mouvement dans les airs, sur la
terre et sur la mer, à des réseaux de navigation, telles que GPS, qui sont
utilisés non seulement pour guider la navigation de camions et de chars (et
votre voiture), mais aussi, pour guider des missiles sur leurs cibles avec une
précision de quelques centimètres.
Une grande
partie du développement et de l’utilisation de la technologie spatiale est le
résultat de la « Course à l’Espace » pendant la guerre froide entre les
États-Unis et l’Union Soviétique lorsque la dernière compétition entre les
grandes puissances faisait rage. Mais, la récente montée
économique, politique et militaire de la Chine l’a également transformée en une
puissance spatiale du 21ème siècle sur laquelle il faut compter.
Au cours
des dernières années, la Chine a placé près de 130 engins spatiaux et satellites en orbite, allant
de son propre réseau de
satellites espions Ă
la construction d’édifices pour son programme de la station spatiale (en plus
de la Station spatiale internationale co-équipée de cosmonautes russes et
d’astronautes américains). Les « taikonautes » chinois habiteront bientôt le « Tiangong », une station spatiale que la Chine
prévoit être opérationnelle autour de 2022.
Peut-ĂŞtre
que le plus important cette année a été le début d’une constellation de quelque
35 satellites qui composeront le réseau de navigation Beidou2/Compass, donnant
ainsi Ă la Chine et Ă ses clients militaires, comme le Pakistan qui auront
accès au système par satellites de la Chine, leur propre version séparée du
GPS, avec une précision militaire de 10 cm.
Le défi
est qu’avec la combinaison de cette capacité orbitale croissante et la hausse
des tensions partout dans le sud de la Mer de Chine jusqu’à l’Ukraine, nous
assistons à l’émergence de ce que Popular Science décrit comme « une nouvelle guerre froide dans le vide de l’espace ».
Cela signifie que si une telle guerre froide devait devenir chaude, que ce soit
par accident ou par choix délibéré, les batailles ne se livreraient pas
simplement dans des endroits comme le sud de la Mer de Chine, mais aussi, dans
les cieux au-dessus de nous.
La semaine
dernière, l’adjoint au Secrétaire à la Défense des États-Unis, Robert Work, a expliqué comment l’espace est passé du royaume
de la science-fiction à un « sanctuaire virtuel » où les technologies utiles pourraient
être placées sans crainte, à un « domaine opérationnel
contesté d’une façon à laquelle nous n’aurions jamais pensé dans le passé ».
La raison
de cette préoccupation est que les pays sont en train de tester un arsenal
d’armes pour prendre avantage de l’espace pour les autres côtés. Les
armes les plus prouvées sont des missiles à longue portée basés au sol qui
pourraient abattre des satellites Ă grande distance.
Les États-Unis et la Chine ont effectué des
tests de ces missiles. Plus récemment, la Chine a confirmé un test
spatial en 2013 en lançant une fusée qui a
parcouru 6250 miles dans l’espace.
Mais, il y
a d’autres armes préoccupantes au-delà de missiles à longue portée, de
nouvelles armes non cinétiques. Au lieu de détruire les satellites de
loin avec des missiles, les pays peuvent Ă©galement utiliser des techniques de
cyberguerres pour attaquer les logiciels des satellites. Le Bureau de la
gestion personnelle n’est pas le seul organisme fédéral qui a été piraté.
La NASA et le réseau de satellites météorologiques de l’Administration Nationale Océanique et Atmosphérique ont été violés par des pirates
chinois.
Ces armes
pourraient non seulement être lancées à partir de la Terre, mais pourraient
aussi être opérées à partir de l’espace lui-même. Par exemple, en
novembre 2014, la Russie a lancé un satellite mystérieux dans l’espace
connu sous le nom de « Object 2014-28E ». Il a curieusement
laissé son véhicule de lancement, a navigué vers d’autres satellites russes et
est ensuite retourné vers le véhicule qui l’avait lancé.
Certains
pensent que c’était un test de la Russie d’une technologie développée par
l’Union Soviétique au cours de la guerre froide appelée, « Istrebitel Sputnikov », un
satellite kamikaze qui est lui-même un « tueur de satellites ».
(Vidéo
en anglais ICI) :
Ou, les
systèmes spatiaux pouvaient monter des armes eux-mêmes. Pendant la guerre
froide, il a été rapporté qu’un satellite soviétique avait monté un canon pour une utilisation
potentielle. Dans un autre exemple de croisement entre la science-fiction
et la réalité scientifique, les astronomes de l’Université Irvine explorent le montage d’un
laser sur le
nouveau télescope devant être installé sur la Station spatiale internationale
en 2017.
Leur idée
est que le laser pourrait être utilisé pour détruire tout débris spatiaux qui menacerait d’endommager la
Station spatiale (évitant ainsi le scénario du film
« Gravity »). Mais, bien sûr, une arme à énergie dirigée qui
peut tirer avec la puissance équivalente d’un chalumeau géant peut également
être utilisée sur d’autres cibles que simplement des débris spatiaux.
Le
résultat est que, tandis que l’espace est censé être un domaine qui exclut tout
conflit, les grandes puissances spatiales s’attendent à ce que s’il y ait des
combats dans un endroit comme le récif du sud de la Mer de Chine, les combats
s’étendraient rapidement vers les cieux.
« Nous,
les États-Unis, devons nous préparer pour les combats haut au-dessus de la
Terre, que cela leur plaise ou non » a fait valoir le
général John Hyten, le commandant de Air Force Space
Command.
Ă€ leur
tour, les évaluations de l’Armée de Libération du Peuple de la Chine rapportent que « la guerre dans
l’espace est inévitable ».
Comme ce
qui se passe dans d’autres courses aux armements, cette mentalité alimente
la concurrence encore plus loin. Par exemple, les craintes au sujet des
programmes ci-dessus ont conduit le Pentagone à annoncer qu’ils avaient
l’intention d’augmenter leurs dĂ©penses sur les systèmes de guerre spatiale Ă
plus de $ 5 milliards dans le prochain budget de la
défense, et ce mois-ci, ils ont annoncé des plans pour créer « un centre d’opérations pour contrer les attaques
chinoises et russes contre les satellites militaires et gouvernementaux des
États-Unis » dans
les six prochains mois.
L’ironie
est que si un tel conflit devait éclater dans l’espace, les armes et les
technologies seraient du 21ème siècle par nature, mais les résultats seraient,
comme l’a dit un officier de la marine, que les combats sur Terre
retourneraient à l’âge « pré-électronique ».
C’est parce que nos drones, nos missiles et même nos unités terrestres, qui
reposent tous sur des satellites, ne seraient plus en mesure de fonctionner
comme nous l’avions prévu.
Ceci
pourrait nous obliger à réécrire toutes nos hypothèses de la
guerre haute-technologie du 21ème siècle. Par exemple, la couverture de
notre livre présente l’USS Zumwalt, une version furtive moderne d’un bateau de
guerre actuellement en construction dans le Maine que CNN a décrit comme « l’avenir de la guerre navale ».
Mais, si l’accès à tous les systèmes sur lesquels ils dépendent dans
l’espace était perdu, les batailles navales seraient à bien des égards comme
les batailles de la Première Guerre Mondiale, ou le jeu de Battleship où les
deux parties luttent pour se trouver les uns les autres.
MĂŞme si la
guerre n’éclate jamais, quelque chose que nous espérons certainement, il y a
toujours une certaine tristesse dans toutes ces préparations pour la guerre
dans le ciel. Atteindre l’espace est une des plus grandes réalisations
passées de l’humanité, et, à bien des égards, pour l’avenir de nos
espèces. Combien de temps cela nous prendra-t-il pour laisser derrière
nous nos conflits.
Source : EDITION CNN
Traduit
par PLEINSFEUX.ORG