Le coeur brisé de Jésus au Calvaire
par Jessie Penn-Lewis (1861-1927).
« Mon cœur est comme de la cire,
il se fond dans mes entrailles ». Tel est le langage de Jésus-Christ sur la Croix ; selon que
prophétise David, en ce psaume vingt-deuxième ; Cela fait penser aux soupirs,
aux paroles entrecoupées, inachevées, d’un mourant.
Dans le chemin de l’âme amenée à la
conformité avec son Sauveur, en sa mort, il vient un moment où elle comprend ce
que signifie la communion avec ce cœur brisé qui fond comme la cire, sous
l’attouchement de Dieu. Alors, elle acquiert cette tendresse, cette
douceur, cette compassion qui caractérisent ceux qui vivent en Jésus.
« Revêtez-vous comme des élus de
Dieu, saints et bien aimés, d’entrailles de miséricorde », écrit l’apôtre aux Colossiens. Dans
toutes ses lettres, dans sa vie, il fait preuve de compassion, de miséricorde,
pour ceux qu’il a amenés à Christ, lesquels restent cependant souvent si
enfants, si charnels. « Moi je suis
de Paul ! Et moi d’Apollos ! Et moi de Céphas ! Et moi de Christ ! »
disent les Corinthiens. Et l’apôtre proteste : Christ est-il divisé ? Paul
a-t-il été crucifié pour vous ? (Cor.
1 : 12-13). Cependant Il ne se sépare pas de ces bébés, spirituellement
parIant. » Auriez-vous dix mille maîtres en Christ, vous
n’avez pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en
Jésus-Christ par l’Evangile » (1 Cor. 4 : 15). Pourquoi ces
divisions ? Pourquoi s’enfler d’orgueil ? L’apôtre met en garde les nouveaux
convertis contre ce danger ; puis il trace comme un parallèle entre eux et leur
père spirituel. Les Corinthiens, eux, se croient sages en Christ, ils règnent
déjà . Paul et ApoIIos sont fous, par amour pour Christ. Les Corinthiens sont
forts ; mais ceux que Dieu a choisis pour annoncer l’Evangile et qui ont Ă
supporter de grandes souffrances, sont faibles. Les Corinthiens sont honorés ;
mais les apôtres sont méprisés.
Quelle distance entre ces bébés qui se
croient forts, et l’apôtre Paul ! Comme dans l’Eglise de Corinthe, autrefois,
on trouve encore aujourd’hui bien des maîtres. Mais les pères, ceux qui
acceptent de souffrir, de porter les bébés en Christ dans leur cœur, jusqu’à ce
que leur croissance spirituelle soit accomplie, ceux-lĂ sont peu nombreux.
Un cœur de père plein de compassion, de
tendre pitié, d’ardent désir pour la croissance et la vie d’autres âmes, cela
ne peut être que le fruit de la Vie divine dans le racheté. Cette Vie-là rend
capable de souffrir, d’endurer l’incompréhension et le mépris, par amour pour
Jésus. Quelques Chrétiens s’imaginent que la communion aux souffrances du
Christ, en sa mort, endurcit nécessairement le cœur, et rend moins vulnérable
aux émotions. D’autres s’élèvent contre cette conception. Ils ne croient pas
possible d’éliminer l’émotion des expériences spirituelles. La vie même du
Seigneur Jésus, et les lettres de l’apôtre Paul, nous montrent ce que sont
vraiment les résultats de la vie crucifiée.
Il est certain que la communion avec
Christ en Sa mort délivre d’une émotivité exagérée, d’une sensibilité maladive,
laquelle peut être une manifestation de la vieille nature. Ainsi libérée, l’âme devient toujours
plus sensible, réceptive, pour tout ce qui concerne Christ et le prochain. Il
est nécessaire que toute émotion superficielle disparaisse pour que la Vie
divine puisse atteindre les profondeurs de l’être, pour que
celui-ci soit accessible, réceptif. Ensuite, rempli de la Vie d’En-Haut, il
peut la répandre en faveur des autres.
« Revêtez-vous d’entrailles de miséricorde », dit l’apôtre aux
Colossiens (3 : 2). Expression bien suggestive qui Ă©voque la profondeur, la
réalité, la puissance du sacrifice ; ce qui ne peut résulter d’émotions de
surface, ces émotions facilement ressenties en certaines réunions où l’orateur
les éveille, sciemment ou non. D’autre part, de nombreux maîtres peuvent enseigner, communiquer
la lumière et la connaissance, sans avoir ces entrailles de miséricorde, sans
ce cœur rempli de compassion que recommande l’apôtre. Bref, c’est le cœur qui
est nécessaire, c’est la capacité de sentir et de se sacrifier
pour les autres qu’il faut. Et c’est le manque de cœur, le manque d’amour qui
rend froide et indigeste la Vérité, lorsqu’elle est rejetée.
« Mes entrailles ! mes entrailles
! » s’écrie le prophète Jérémie. « Je souffre au dedans de mon cœur, le cœur me
bat. Je ne puis me taire » (4
: 19). C’est à cause d’Israël que le prophète est envahi par la douleur. Et
c’est à cause de cette capacité de souffrance pour son peuple qu’on a comparé
Jérémie à Celui qui vint ici-bas, comme l’Homme de Douleur, brisé par la
souffrance.
Son immense compassion pour l’humanité
amène Dieu à envoyer ici-bas son Fils unique : « Béni soit le Seigneur, le Dieu
d’Israël de ce qu’il a visité et racheté son peuple… GRACE AUX ENTRAILLES DE LA
MISERICORDE DE NOTRE DIEU, en vertu de laquelle le Soleil levant nous a visités
d’en haut » (Cantique de Zacharie, Luc 1 : 68-80.) Ecrivant à Philémon,
l’apôtre dit au sujet d’Onésime : « Je te le renvoie, lui, mes propres
entrailles (c’est-à -dire
un autre moi-même) ». D’autres traductions rendent ainsi cette expression
: « lui, mon propre cœur » (Philémon 1 : 12). Lire aussi
Eph. 4 : 32 ; Phil. 2 : 1,2.
Tous ces passages montrent que Dieu
peut communiquer a Ses rachetés ces entrailles de miséricorde, ce cœur
compatissant, qui L’amenèrent Lui-même à envoyer Son Fils ici-bas. Compassion
qui conduisit le Fils unique à mourir sur la Croix pour les pécheurs.
« Soyez compatissants, vous
pardonnant… comme Dieu vous a pardonné », dit l’apôtre Paul. Celui qui a senti
son cœur s’émouvoir, se fondre sous les effets de la compassion divine, celui
qui en a éprouvé la douceur et la joie, peut aisément aimer, pardonner à celui
qui a tort, avant même que celui-ci ait manifesté aucune tristesse, aucun
repentir de la faute commise. Et, d’avoir fait ces expériences rend capable
d’annoncer le pardon de Dieu aux âmes qui se repentent. Un cœur compatissant,
des entrailles de miséricorde se réjouissent de la joie des autres.
Et quelles paroles exquises, quel tact
dans l’expression ils savent trouver pour plaider en faveur des coupables.
Lisez la lettre de Paul à Philémon : « Je te prie pour mon enfant, que j’ai
engendré étant dans les chaînes, Onésime… » (1 : 10-12). Avec quelle tendresse
l’apôtre parle de cet esclave fugitif phrygien ! II l’a amené à Christ, il a
prié pour lui jusqu’à ce que Christ fût formé en lui. Aussi maintenant, Onésime
est pour lui un fils.
Dans les diverses Eglises qu’il a
fondées au sein du paganisme, pour ceux qu’il a amenés à Christ, même en
prison, nous voyons de quelle patience, de quelle compassion, de quelle
tendresse l’apôtre est animé. Il a vraiment pour eux des entrailles de
miséricorde. « Ce ne sont pas vos biens que je cherche,
c’est vous-mêmes », écrit-il aux Corinthiens. « Pour moi, je dépenserai très volontiers, et je me dépenserai
moi-même pour vos âmes, dussé-je, en vous aimant davantage, être moins aimé de
vous… » (2 Cor.
2 : 14-15). « Maintenant nous vivons, puisque vous
demeurez fermes dans le Seigneur ». Une autre traduction dit : « La vie est vraiment pour nous la vie, puisque vous demeurez
fermes dans le Seigneur » (1
Thess. 3 : 8). L’apôtre pense sans cesse à tous ceux qu’il a amenés à Christ.
Il prie sans cesse pour eux, comme un père pour ses enfants.
Dix mille maîtres ! Oui. Mais les pères ne sont pas nombreux. Ils sont peu
nombreux ceux qui consentent Ă la souffrance pour les autres, Ă porter dans
leur cœur le fardeau de leurs besoins, à éprouver de l’angoisse pour leurs
âmes, à verser des larmes.
Dirons-nous que le langage de l’apôtre
était exagéré ? Certes non ! Car dans la communion avec Dieu et avec son Fils
Jésus-Christ, il a entendu le grand soupir de la Création ; en son cœur, il a ressenti l’immense
douleur, l’angoisse des âmes sans Dieu dans le monde, sans Sauveur. Pour elles,
son cœur est rempli de compassion, de tendresse. Pouvons-nous, comme l’apôtre,
avoir un cœur rempli de compassion active, effective ? Assurément. « Revêtez-vous, dit-il, comme des élus de Dieu,
saints et bien-aimés, d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de
douceur, de patience » (Colossiens
3 : 1-2). Il vient de les exhorter Ă se dĂ©pouiller du vieil homme et de ses Ĺ“uvres, et Ă
revêtir l’homme nouveau, qui se renouvelle dans la connaissance, selon l’image
de celui qui l’a créé (versets
10-11). Ah ! Voilà le secret : le vieil homme a été crucifié ! La Croix du
Calvaire est l’endroit de la bénédiction. Là tombent toute étroitesse, toutes
ces barrières dressĂ©es par ce qui est terrestre. LĂ
est dépouillée cette vie égoïste qui cherche la satisfaction du moi, qui ramène
tout Ă soi. Ensuite,
l’homme nouveau (ou la nouvelle nature) est revêtu, qui se renouvelle selon
l’image de Celui qui l’a créé. Là , plus de distinctions terrestres, plus de
divisions, de séparations, Christ est tout en tous. C’est seulement dans le Christ Jésus que nous pouvons recevoir ces
entrailles de miséricorde, entrer dans la communion de Ses souffrances, et
connaître cette ferveur d’amour, cette tendresse, qui sont d’essence divine.
Il est question du renouvellement du
nouvel homme. Un processus de croissance suit effectivement le dépouillement de
la vieille nature. Toute colère, toute animosité, toute malice, toute moquerie,
toute parole déshonnête doivent être rejetées. Et, dans ce renouvellement
progressif de l’homme nouveau, l’heure sonne de la communion aux souffrances de
Christ pour le salut des perdus. Alors l’être intérieur tout entier, animé des
compassions de Dieu, sera peut-être amené à plaider pour une nation comme
Jérémie ; ou bien à travailler à la formation de Christ dans les âmes comme
l’apĂ´tre Paul ; ou encore Ă manifester l’amour de Dieu envers les autres ; Ă
être bon, compatissant, à pardonner comme Dieu nous a pardonnés en Christ (Eph.
4 : 32). Il ne pourra pas fermer ses entrailles au frère dans le besoin (1 Jean
3 : 17) ; il ne pourra pas non plus négliger de prier pour les autres avec la
tendresse de JĂ©sus-Christ (Phil. 1 : 8). Enfin, il est prĂŞt Ă donner sa vie aux
frères, à exercer la miséricorde envers tous ; bien qu’aimant davantage, il
soit moins aimé.
Comment cela se peut-il faire ? Par la
foi. « Celui qui croit en moi, dit Jésus… » II y a là une foi qui unit celui qui
croit à son Sauveur. C’est plus qu’un acquiescement mental,
plus que le fait de croire à une autre personne. « Quand j’aurai été élevé de la terre, dit Jésus,
j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12 : 32-33).
Ainsi le Seigneur sur la croix attire
le racheté qui croit en Lui ; et le sauvé est uni au Sauveur, en sa mort. Il
est planté avec Lui en Sa mort (Romains 5 : 5), ou bien encore greffé en Lui au
Calvaire, afin d’être fait participant de Sa Vie. Une seule vie désormais pour
la greffe et la plante où elle a été insérée. La greffe est solidement
maintenue par des liens. Ici, les liens
de la foi et du don total de soi-mĂŞme.
DEPOUILLE ! REVETU ! UNI AU CHRIST, EN
SA MORT ! DESORMAIS UNE MEME PLANTE AVEC LUI ! FAIT PARTICIPANT DE SA VIE, LA
VIE DIVINE ! Telles sont les Ă©tapes par lesquelles le Saint-Esprit conduit le
racheté. Dès lors, des fleuves d’eau vive coulent de celui-ci ; en réalité de
Jésus. Car le racheté est une même plante avec son Sauveur, CELUI QUI EST LA
VIE.
Uni au cœur brisé du Sauveur en faveur d’un monde perdu, le
racheté est constamment livré à la mort pour l’amour de Jésus, afin que la vie
de Jésus puisse être manifestée dans sa chair mortelle. « La mort agit en nous, mais la vie en
vous », dit l’apôtre. La vie du Christ en abondance, en faveur des autres.
« C’est du cœur que procèdent les
sources de la vie« , écrit Salomon. Et ceci est magnifiquement illustré par
l’Amour dont nous sommes aimés, et comme enveloppés. « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné
son Fils Unique, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle » (Jean 3 : 16).
Extrait du livre de Jessie Pen Lewis
« La vie de résurrection »
Source : http://www.blogdei.com/